À propos de notre bibliothèque
Première partie
D’emblée je vous avoue que je préférerais écrire la deuxième partie de cet article en premier lieu, précédant toutes les considérations de temps ou d’importance des événements. Vous savez peut-être que j’expose mes aquarelles à la bibliothèque de Saint-Donat jusqu’au 13 septembre mais vous ne pouvez imaginer à quel point cette expérience m’a permis de découvrir des gens dédiés à leur travail et d’approfondir ma relation avec l’art. Je ne veux absolument pas parler ici de ma démarche artistique mais je dois dire que pour la première fois je me suis sentie totalement en osmose avec un milieu. Je suis quelqu’un qui veut dire, qui a l’intention de dire, et cela prend souvent la forme de l’aquarelle. Mais dès que je prends un pinceau c’est pour raconter une histoire, « pour aller vers l’autre, pour construire un pont et aller rejoindre un rythme d’intelligence qui fait défaut à la vie quotidienne » comme le disait l’artiste et auteur Marc Séguin dans « L’art qui change la vie , Aidia télévision, 2014 ». Mes aquarelles sont des recueils de nouvelles en quelque sorte et tout ce bouquet de couvertures colorées répandues dans les allées et recoins de la bibliothèque sont des toiles.
J’ai donc décidé de faire un peu l’histoire de cette bibliothèque grâce à la documentation fournie par madame Natasha Drapeau et à des rencontres avec quatre bibliothécaires : madame Rachel Coutu-Nielly, madame Anita Desmeules, mesdames Joanne Riopel et Michelle Saint-Georges. Il y a des gens qui ont une légitimité organique à être à un endroit et c’est le cas de ces personnes, uniques, qui ont amélioré ou changé le cours de certaines vies grâce aux livres, grâce donc à l’art en général. Mais je ne parlerai d’elles que le mois prochain. Avant il y a le lieu physique à explorer.
Début 1972 se crée une pression pour avoir une bibliothèque municipale à Saint-Donat et c’est le 5 février qu’un avis de motion est donné pour ce projet. Moins de deux semaines plus tard, une demande a été faite à la Commission scolaire des Laurentides pour qu’un local soit mis à la disposition de la Municipalité pour la mise en place d’une bibliothèque publique et un comité sera formé pour organiser le tout. Déjà madame Coutu et Michelle Saint-Georges s’impliquent et acceptent d’être sur le premier comité avec Anne-Marie Coutu, Gaston Forget, Vivianne Mathieu et André Monette.
L’école Sainte-Bernadette sera prête à accueillir la bibliothèque grâce à Rachel Coutu, Sylvie Roy et Émile Granger. Eh oui, tout ça la même année. Je ne le savais pas mais c’est la Bibliothèque centrale de prêt de l’Outaouais qui est le fournisseur des livres et des services mais à partir de 1981, l’Outaouais se sépare des Laurentides et Saint-Donat devient membre de la nouvelle Bibliothèque centrale de prêt des Laurentides. En 1986, notre bibliothèque déménage dans un local de classe à l’école Sacré-Cœur. Beaucoup de noms, beaucoup de dates, me direz-vous… Je crois qu’il est essentiel de cultiver cette mémoire et de dire merci aux nombreux collaborateurs (j’en ai compté 76) qui ont participé à l’évolution de notre communauté.
Le 4 décembre 1990, lors du mandat de monsieur le maire André Picard, c’est l’ouverture de la bibliothèque actuelle dans la belle Maison de la Culture dont le nom honore aujourd’hui la mémoire de madame Louise Beaudry qui a toujours, toujours, eu comme préoccupation l’éducation et l’harmonie, sinon la beauté, par l’art sous toutes ses formes. De 1996 à 1998, une autre étape est franchie : la bibliothèque est totalement informatisée et fonctionne en réseau par lien internet avec un accès direct à toute la collection de livres du réseau des Laurentides. Impossible de dire le nombre de visiteurs et le nombre de prêts par année. On vous accueille pour utiliser les ordinateurs ou le réseau internet ; pour lire journaux, magazines et périodiques ou pour avoir accès aux livres numériques, aux livres à gros caractères et même à des jeux de société. Je reviendrai sur les autres services.
Je termine par une anecdote afin de souligner encore ce que je disais dans mon premier paragraphe c’est-à-dire que certains lieux favorisent un rythme d’intelligence qui fait défaut à la vie quotidienne. Début juillet, après avoir glissé un livre dans l’ouverture qui permet le retour de livres, je me suis attardée dans le stationnement. C’était l’heure lente, celle du milieu de l’après-midi et je sentais le parfum blanc des lilas. J’entendais vaguement un message via le téléphone cellulaire d’un monsieur appuyé à un arbre et soudain j’ai saisi le mot « Amen ». Curieuse, je lui ai dit « Bonjour. Est-ce possible que vous écoutiez une prière ? Il fait si beau et c’est si calme ici, cela se prête bien à la prière ». S’exprimant en anglais, il s’est mis à se raconter un peu, avec difficulté. Il attendait quelqu’un. Né en Jordanie, il était Arménien et quelques fois par jour il priait pour remercier d’être en sécurité au Québec avec sa femme, ses deux fils et sa belle-mère. Il était de confession orthodoxe alors je ne serais pas arrivée à lire le texte de la prière mais savez-vous quoi ? Je me suis mise à dire une petite prière moi aussi et c’est là que j’ai décidé de faire l’histoire de notre bibliothèque qui, par son aménagement intérieur et extérieur, permettait ce type de rencontre. Si je peux me permettre, serait-il possible de poser un banc ou deux près des lilas ? L’été, beaucoup de gens dont des gens ayant un handicap, attendent dans leur voiture fenêtres et portes ouvertes pour avoir de l’air. D’autres s’attardent, comme moi, pour terminer une conversation. Ce serait bien joli.
Le mois prochain je parlerai des quatre bibliothécaires. Suivez-moi, ce sera savoureux.
Source : Journal Altitude, Nicole Lajeunesse