Au temps de la préhistoire. Bien des soleils se sont couchés sur les lacs Bédini (lac de la montagne Noire) Ouareau et Archambault avant que les premiers colons ne découvrent leur splendeur. Quelqu’un serait-il venu, bien avant eux ? Témoins des dernières glaciations, tout près du village, au dos de la mine de silice, des roches erratiques s’élèvent dans la forêt de feuillus et demeurent les gardiens silencieux de cette époque si lointaine. Oui, quelqu’un est venu, car on a découvert il y a quelques dizaines d’années sur les plages des lacs Archambault et Ouareau des têtes de hache et des pointes de projectiles datant de la période que l’on appelle Archaïque du Bouclier et qui s’étend de 6000 à 1000 av. J.-C. Chasseurs nomades, vivants en petites bandes, ces populations habitant la forêt boréale parcouraient annuellement un vaste territoire en quête de nourriture.
Ces hommes et ces femmes d’un autre temps ont foulé le sol Donatien sans toutefois que nous puissions en dire davantage sur eux présentement. On sait par ailleurs qu’au cours du XVIIe siècle des Algonquins ont emprunté les bassins des rivières Ouareau et l’Assomption.
Un peu plus tard, des Abénaquis de la réserve de Saint-François-du-Lac sur la rive sud du Saint-Laurent viendront également chasser et pêcher dans la région. Vers 1880 dans les Hautes-Laurentides. Si les familles Commanda et Chichippe font partie de la mémoire collective des gens de Saint-Jovite et des environs, ici ce sont les Lelo et Nontinonee qui nous sont révélé par la tradition orale.
Les anciens se souviennent surtout de Amable-le-sauvage qui portageait entre Saint-Donat, Notre-Dame-de-la-Merci, Chertsey et Saint-Côme. Au recensement de 1881 une famille indienne est visitée soit celle de Francis Nontinonee et Marie (Népinonkoe) avec leurs sept enfants dont l’un se prénomme Amable et est agé de 9 ans.
Il s’agit bien du même Amable dont Bertha Simard, fille de Pit et soeur de mon grand-père me parlait lors d’une entrevue en 1986. Elle racontait qu’étant petite, son père avait fait monter Amable dans sa charrette pour l’emmener jusqu’au village. Sans doute impressionnés par sa présence, tous les occupants de la charrette demeurèrent silencieux tout au long du trajet. Selon ce qu’a raconté Louis Pelletier de Notre-Dame-de-la-Merci à son fils Théodore, Amable avait sa cabane au bout de sa terre dans le 6ième rang de Chilton, aujourd’hui ce que l’on appelle le rang des Pelletier. Enfin, très jeune, M. Maurice Le Guerrier se souvient de Amable “Nodinos” comme il l’appelle. Il répète que la Pointe à Marie sur la rivière Ouareau à Notre-Dame-de-la-Merci est en rapport avec la mère d’Amable.
Une autre “Pointe à Marie” existe aussi au lac Croche à Saint-Donat. Au dire de quelques patriarches, Marie-la-sauvagesse, soignait, guérissait et accouchait les femmes au début de la Colonie du lac Archambault. Quant à Octave, alias Amable Nontinonee, on le retrouve à l’automne 1907 sur la liste des employés qui font un relevé d’arpentage des rivières l’Assomption et Noire à Saint-Côme.
Mme Eulalie Riopel que j’ai rencontré dernièrement à Saint-Côme m’a confirmé que ses parents ont connu Amable. Fusil à l’épaule, il ne passait pas inaperçu lorsqu’il montait au village. Selon les souvenirs des aînés, la famille d’Amable semble être les derniers indiens à avoir habité notre territoire.
Je tiens à remercier M. Hubert Nadon, Mme Stovel, Mme Curtis et Mme Thérèse Michaudville-Regimbald pour leurs dons et leurs prêts de ces artéfacts.
Photo-vignette no.1 : Cette tête de hache faite à partir d’une roche ignée est la plus ancienne découverte à Saint-Donat jusqu’à nos jours.
Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Août1993