Carnet de voyage à Lans-en-Vercors en août 2009
Permettez-moi ce mois-ci de consacrer ma chronique non pas à des créateurs d’ici mais à toute la commune de Lans-en-Vercors qui a un cœur immense, aussi immense que la nature, sa voisine immédiate. Mon texte se fera en deux temps. Ce mois-ci, un premier battement de cœur presqu’à la descente de l’avion qui me ramenait de Lans et le mois prochain, un deuxième quand j’ai pu mesurer l’importance que ce voyage a eu sur la vie des gens des deux villages qui ont vécu cette belle aventure.
Vous le savez, l’Orchestre des jeunes de Saint-Donat avec ses dirigeantes et ses parents accompagnateurs, plus une dizaine de citoyennes et citoyens et, bien sûr, le maire et sa conjointe sans compter l’adorable et l’indispensable Sophie Charpentier, sont partis à Lans-en-Vercors dans le cadre d’un échange instauré des années plus tôt. Enthousiastes mais disons, incertains, nous sommes arrivés à Lyon en pleine canicule à 9h le matin. Imaginez-vous donc que partis très tôt de Lans, sont apparus le maire et des citoyens bénévoles, hommes et femmes, tous avec des boulots, des agendas à respecter mais qui avaient choisi de venir nous accueillir un jour de semaine et nous guider ensuite jusqu’à nos gîtes les bras en parenthèses pour que jamais, nous ne nous sentions désemparés. Les voitures des particuliers ont de grands coffres et celles qui sont louées pour le séjour sont impressionnantes, question gadgets. Dieu merci car les routes sont extraordinairement bien entretenues mais dignes de ce que nous avons pu voir de plus insensé dans les films question virages en épingle, étroits tunnels et corniches. Il nous est cependant possible de voir que sur le balcon le plus minuscule, comme au beau milieu de la rue
ou sur la plus généreuse terrasse, on s’entoure de beauté. Partout des fleurs sur fond de belles pierres mais vite, un « pot d’accueil » nous attend à la cabane de l’Aigle au pied de la montagne où arrivent d’étranges oiseaux en parapente. Chaque famille française qui accueille son ou ses invités a un sourire que je n’arrive pas tout à fait à décrire, doux, patient, intemporel. Certains couples préfèrent l’hôtel mais passeront tout de même toutes leurs journées avec le reste du groupe et profiteront largement des délicatesses et de la constante protection des gens de Lans. On vous voyait seul sur la chaussée alors que vous reveniez de la poste, de la boulangerie ou de la charcuterie ? On arrêtait pile et on vous demandait si vous aviez besoin d’aide, peu importe si les voitures derrière freinaient le nez sur votre pare-chocs et que d’autres fuyaient à gauche et à droite comme des « ménés » affolés.
Ensemble, nous avons visité des lieux fabuleux. Tout d’abord les marchés publics où producteurs et artisans nous offrent des petits fruits sauvages, des plantes aromatiques et médicinales, des confitures, coulis, sirops et vins. Sans compter les fromages fermiers, le miel, les noix, les charcuteries, salaisons et autres viandes données grâce à la brise, au brouillard ou au soleil radieux car il y a quatre influences climatiques qui enrichissent les saveurs du Vercors. Nous avons aussi fait une ballade au royaume des automates où 300 personnages en mouvement, présentés dans différents décors en sons et lumières, nous ont charmés avant que quelques-uns d’entre nous fassent la visite du village de Valchevrière. Là on peut retrouver les ruines du village que les Allemands détruisirent complètement le 23 juillet 1944, à l’exception de la chapelle. Chaque année, le premier dimanche de septembre, il y a un pèlerinage vers ce petit hameau qui était une barrière très importante de résistance bloquant le passage vers le Vercors central. On dit que le Vercors est à l’égal de certains fruits, rugueux à l’extérieur, tendre à l’intérieur. C’est tout à son honneur.
Une croisière en bateau à roue sur les eaux paisibles de l’Isère nous fait découvrir l’aqueduc de SaintNazaire-en-Royans, des ruelles étroites, de vieilles bâtisses médiévales et nous amène vers un des plus beaux jardins de France. Le Jardin des Fontaines pétrifiantes est aménagé autour de sources comme il y en a quelques dizaines en France, mais seules celles-ci on la surprenante particularité d’être d’origine phréatique. Architectes paysagistes et jardiniers ont pensé chaque courbe, chaque relief de cette singulière architecture pour y ajouter de nombreuses espèces de plantes, d’arbres et d’arbustes très rares. C’est phénoménal. Comme ces maisons suspendues du village médiéval de Pont-en-Royans qui surplombent littéralement le vide et le cours de la rivière, la Bourne, où les jeunes de l’orchestre se sont baignés.
Je passerai outre le Musée de l’eau puis Grenoble et son téléphérique, c’est-à-dire ses « bulles » bien qu’il y ait là l’un des plus riches panoramas des Alpes parce que je n’y suis restée que quelques heures (à 43º C.), et je terminerai ma chronique par deux lieux qui m’ont marquée à jamais. Tout d’abord le site des Grottes de Choranche avec ses stalagmites, mais surtout ses stalactites fistuleuses uniques en Europe, ses rivières et lacs d’émeraude à blanc cristallin, ses replis et tranchants où on a permis que des artistes photographes, peintres et sculpteurs intègrent leurs œuvres.
Pour la première fois de ma vie, j’ai senti que notre terre avait une histoire. Et puis, au cœur du massif de la Chartreuse, à seulement 2 kilomètres du célèbre monastère fondé par saint Bruno en 1084, le Musée de la Grande Chartreuse ou La Correrie. De nombreux documents, des objets de la vie courante, des gravures, des toiles, un merveilleux art statuaire nous ont permis de découvrir et de partager non seulement la foi des moines mais aussi leur savoir-faire. De la maîtrise de l’enluminure à la production du fer en passant par l’élaboration de la liqueur, tout se fait dans le silence, la réflexion et la contemplation. Dès que possible j’essaierai de peindre
cette plénitude.
Suite le mois prochain : Les gens de Lans-en-Vercors et nous.
Source : Journal Altitude, Nicole Lajeunesse