À travers ma lecture du livre VOIX D’ALASKA, mon côté anthropologue ne pouvait ignorer la description que faisait Soeur Marie-Joseph Calasanz sur les habitudes de vie des Inuits au temps de Holy Cross. Une vie très difficile à en juger par les recommandations qu’adressait Soeur Marie-Pauline de la région de Saint-Donat à ses nièces lors d’une visite au Québec en 1922. HOLY CROSS.
À Holy Cross le soleil se lève à 11.00h am et se couche à 1.00h pm. Il n’y a que deux saisons, soit l’hiver et l’été. Les Inuits voyagent en raquettes ou en traîneau à chiens, parfois attellent des rennes importés de Sibérie. L’hiver, les autochtones de la côte se tiennent au chaud grâce au “parka” en fourrure, de leur confection dont le capuchon est bordé de poils de loup ; les gants épais sont en peau de daim ou de chien et doublés de laine ; quant aux bottes, elles sont en peau de phoque ou de cerf avec fourrure. On utilise la peau de saumon pour confectionner des pantoufles. L’été on s’habille légèrement, quand il pleut, on revêt un pardessus imperméable fait des membranes intestinales de phoque cousues ensemble, ce qui en fait un vêtement très léger.
L’habitation des Inuits est rudimentaire. Il s’agit d’une fosse carrée de 3 ou 4 pieds de profondeur, surmontée d’un toit en branches que recouvre une couche de terre. On y accède en rampant par un couloir d’une dizaine de pieds de long sur quatre pieds de large. Une petite ouverture dans le toit sert de fenêtre, de ventilateur et de cheminée. Pour la nourriture, on mange de la viande, du poisson frais, séché, salé, fumé et aussi du poisson que l’on fait pourrir pour les jours de disette.
Soeur Marie-Pauline raconte entre autres : “ À l’exception du squelette, les sauvages utilisent toutes les parties du saumon sans exception (de la tête à la queue). Les intestins et les oeufs sont conservés dans un trou d’une profondeur de 5 pieds environ. C’est ce qui s’appelle un puits de putréfaction. Au mois de février, quand il n’y a plus rien à capturer, on ouvre cette fosse et on mange tout ce qu’il y a été jeté. La puanteur qui s’en dégage est telle qu’on ne saurait se l’imaginer. Malgré tout, les sauvages avalent ces conserves-là avec voracité. C’est pour eux un mets savoureux. Est-il possible que ces pauvres gens aient le goût dépravé à ce point ? ” Les missionnaires ne pouvaient comprendre cette façon de vivre de se nourrir, ni le peu d’hygiène dont laissaient montre ses habitants du froid.
ANECDOTE : Les Inuits se nourrissant presque exclusivement des produits de la chasse, un jeune homme atteint d’une anomalie physiologique tel le daltonisme était frappé d’interdit de se marier, car sa difficulté à percevoir les couleurs en faisait un mauvais chasseur, incapable de subvenir aux besoins de sa famille. On craignait aussi que cette tare héréditaire se propage dans toute la population, menaçant ainsi sa survie.
MAIS QUE FAISAIENT NOS ANCETRES ! Pour ceux dont la façon de se nourrir des Inuits peut sembler quelque peu dégoûtante et surtout pour les enfants d’aujourd’hui pour qui la différenciation des goûts et des odeurs se résume bien souvent au méli-mélo des saveurs artificielles dont ils ignorent complètement l’origine, j’aimerais faire en terminant un parallèle avec le sort que nos grands-parents et avant eux nos ancêtres de la Nouvelle France réservaient au cochon, sans pour autant en mourir, au contraire. De tout temps on le mangeait de la tête à la queue. Que l’on pense à cette grande occasion que représentait la boucherie des fêtes. Dans les faits, nos grands-mères ne fabriquaient-elles pas de la succulente tête à fromage (cervelle, etc,), du boudin (le sang et les intestins), des oreilles de criss, ne savaient-elles pas bien apprêter les pattes, le foie, le coeur, les rognons, etc ? Que dire de gens il n’y a pas si longtemps qui boudaient la viande fraîche, préférant celle qui a vieilli plusieurs jours, laissant une croûte verdâtre qu’on enlevait pour ensuite la cuire et qui était vraiment plus tendre. Comme l’expression le dit si bien : “ les goûts ne sont pas à discuter ”.
Photo-vignette : De haut en bas : Soeur Marie-Etienne supérieure d’origine irlandaise, Soeur Marie-Pauline, canadienne-française, et Soeur Marie-Joseph Calasanz d’origine Belge. Les fondatrices de la Mission de Holy Cross.
Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Mai 1993