L’Orchestre de Saint-Donat et notre communauté
J’ai été interpellée par l’article de madame Louise Olivier au sujet de l’Orchestre de Saint-Donat. J’ai assisté à plusieurs concerts, surtout ceux autour de la fête de Noël parce que je suis une romantique sensible aux atmosphères même si ce n’est plus de bon ton de l’avouer. Chaque fois, je prenais des notes au moment de la prestation ou tout de suite après car mon enthousiasme et la présence fort nombreuse d’amis m’empêchaient d’écrire les mots justes et modérés requis. Aujourd’hui je me permets de vous faire part de mon ravissement en insistant sur le lien, essentiel, entre notre communauté et l’orchestre.
Les défis de l’enseignement et de la diffusion de la musique hors des grands centres urbains sont multiples, complexes et bien archivés au sein des institutions universitaires. En 1967, eh oui, après un cours classique d’une durée de 8 ans, on exigeait, pour que j’enseigne au préscolaire, des cours de flûte, des cours sur la méthode Orf et Martenot (Carl Orf et Maurice Martenot ont mis au point une méthode d’éducation musicale fondée sur le rythme, les ondes) et on demandait aussi que je rafraîchisse mes cours de piano classique que j’avais commencés à cinq ans.
Appliquer et faire rayonner la musique n’est pas de tout repos. Il faut trouver des sources de financement bien sûr, réserver des lieux de diffusion appropriés, gérer les horaires des jeunes musiciens et des adultes musiciens ou accompagnateurs, s’occuper du transport, de la discipline inhérente à tout projet artistique et j’en passe… Le but de notre orchestre est de donner aux élèves une formation de la plus haute tenue et de faire en sorte qu’elle soit intégrée viscéralement à notre milieu. Chaque élève a un cheminement particulier. Il y a autant de façons d’apprendre qu’il y a d’élèves essentiellement parce que nous faisons tous partie d’une famille qui a son propre dynamisme. Cette famille est bien plus souvent qu’on le croit sensible à un talent qui se développe chez telle petite fille, tel petit garçon, parfois parallèlement à des difficultés en lecture et en écriture, peut-être en mathématique ou dans la façon dont l’enfant s’intègre à son milieu. Il y a beaucoup de littérature à ce sujet et toutes les lectures convergent vers le constat que les impacts de la musique chez les tout jeunes comme chez les adolescents favorisent le développement cognitif et social sans compter d’étonnants résultats académiques.
Les dirigeantes de l’Orchestre de Saint-Donat sont des professionnelles très qualifiées, expérimentées et engagées, depuis longtemps. On peut faire évaluer son ou ses enfants au cours d’une rencontre individuelle ou en glissant quelques mots après une représentation dans le réseau que l’orchestre a tissé. Il y a toujours beaucoup de joie, d’espace, d’interactions à la fin d’un concert et voir de vrais « petits » musiciens en herbe saluer et rougir de fierté, ça donne des idées. Il ne faut pas négliger l’apport et l’influence des musiciens adultes qui se sont joints au fil des ans. Ils sont indispensables à tout le processus et élargissent le cercle des amis de l’orchestre par leurs contacts et l’intérêt qu’ils suscitent.
Si notre communauté valorise la musique, disons, plus exigeante – mais y a-t-il vraiment des musiques non exigeantes ? – notre jeunesse soulèvera l’admiration partout. Je le sais. J’étais à Lans-en-Vercors en 2009. Jamais je n’oublierai ce voyage. On aura beau dire que les jeunes ont changé, qu’ils ont des journées très chargées, qu’ils sont sollicités de toutes parts par les réseaux sociaux ou les activités sportives, ce que moi j’ai vu ce sont de jeunes personnes extrêmement disciplinées et responsables qui communiquaient avec tous les gens de Lans tout en se réservant des moments de beauté et de tranquillité avec leur instrument, là, dans les Basses-Alpes. C’est difficile de dire qu’un adulte a une couleur mais il y a, de toute évidence, autant des profils d’enfants qu’il y a de couleurs : chansons, jeu scénique, présentation et explications au lutrin, instruments pluriels, pourquoi pas ? J’ai entr’aperçu le slogan de l’École de musique de McGill et je l’aime bien : « À la mesure de tes rêves, tu trouveras une place avec nous ».
Je crois vous l’avoir dit, je tiens pour indiscutable que tous les savoirs sont transférables. La génération qui vient est extrêmement compétente et attentive à nous, gens de Saint-Donat, même si souvent elle n’a pas l’air de nous trouver particulièrement stimulants. Allez au concert et vous verrez les musiciens chercher leur famille des yeux, vérifier si tout le monde qu’on admire de loin s’est déplacé juste pour nous, bouger pour être vus, placer les petits, ajouter du gel ou un élastique dans leurs cheveux et avoir les joues aussi roses que la lumière, tamisée. J’aime les jeunes et je sais qu’ils sont profondément attachés à leur milieu, à Saint-Donat. Vous savez, c’est peut-être grâce à eux que nous pourrons continuer à améliorer nos relations et nous ouvrir à certaines entreprises.
Source : Journal Altitude, Nicole Lajeunesse