Dernier de deux articles. Sur la photo du précédent article, nous avons vu que le central téléphonique était installé dans une annexe de la maison de Joseph Thibault, sur la rue Principale. Mais avant la construction de cette annexe, le central fut d’abord installé dans la maison même de Joseph Thibault. La première année, l’entreprise dessert 15 abonnées et progressivement le service s’étend à Notre-Dame-de-la-Merci et à Lantier. Les premières téléphonistes sont Ange-Emma Godon épouse de Joseph et leur fille Eva. Plus tard, les autres filles du couple, Lucienne, Blandine et Cécile prendront la relève. En 1928, on retrouve dans le bottin téléphonique 57 abonnés dont 4 à Notre-Dame-de-la-Merci, soit : la Maison de Pension de Théodore Crépeault, le curé Eugène Mondor, Adélard Prud’homme et la Maison de Pension de Maxime Rivest. En tout on compte 5 lignes privées et 11 lignes de groupe.
Dring ! Dring ! En résumé voici comment on acheminait un appel. On ne signalait pas le 424-3720 pour obtenir directement une communication. Deux choix s’offraient, soit que l’on rejoigne une personne par une ligne privée ou par une ligne de groupe. Pour les lignes de groupe, on retrouvait dans le bottin un numéro comme le 7-r-13 qui signifiait à l’opératrice de brancher au central la ligne 7 et de faire sonner (r= ring ou s= sonnez) 1 grand coup et 3 petits coups. Tous les abonnés dont le numéro commençait par 7 entendaient la sonnerie, mais le nombre et la longueur des coups leur disait si l’appel leur était destiné ou non. En faisant le 7-r-13 on rejoignait le Constable Emile Desrochers. Pour les lignes privées, plus dispendieuses, on n’avait qu’à demander un chiffre, par exemple le 16 et on obtenait la communication directement avec l’abonné. À cette époque le réseau téléphonique comptait une ligne pour Montréal et une pour Sainte-Agathe-des-Monts. Les appels devaient passer par Sainte-Agathe-des-Monts avant d’être acheminés vers d’autres villes.
Souvenirs de téléphonistes Voici une description de l’intérieur du central téléphonique à l’époque où il est aménagé dans l’annexe de la maison de Jos Thibault. Dans la pièce avant, on retrouve un espace aménagé pour recevoir les clients ainsi qu’une cabine téléphonique publique branchée au central et servant surtout pour les "longues distances". À l’arrière, il y a le central proprement dit, un poêle à bois, une petite cuisine et un lit. Deux opératrices se relaient pour offrir le service 24h sur 24h et dorment sur place. Avant de se coucher, l’opératrice prend bien soin de fixer à son lit une corde reliée à une clé du central afin de pouvoir répondre promptement si le téléphone sonnait durant la nuit. Mme Madeleine Forget-Regimbald se souvient d’un été, vers 1944, où durant cette grosse saison les gens devaient attendre de 3 à 4 heures pour appeler à Montréal. Elle devait limiter les conversations à 5 minutes et souvent elle devait rappeler les gens à la maison, de 10 à 15 minutes avant, pour savoir s’ils désiraient toujours effectuer leur appel. Une facture de téléphone s’élevait approximativement à 2.10$ par mois excluant les "longues distances". Une téléphoniste gagnait 50$ par mois.
Succession à la présidence. Après le décès de Joseph Thibault en 1947, son gendre Ovila Villeneuve devient le second président de la Compagnie. En 1952, la fille de Joseph, Lucienne succède à Ovila et devient l’une des premières femmes d’affaires à diriger une entreprise d’envergure à Saint-Donat. Elle demeure à son poste jusqu’à la vente de la Compagnie. La fin d’une époque. À la fin des années 1950, presque toutes les familles donatiennes profitent du service téléphonique. On compte également de plus en plus de villégiateurs désirant un appareil à leur chalet. La compagnie ne pourra bientôt plus servir correctement ses quelque 500 abonnés à moins d’investir des sommes considérables dans de nouveaux équipements. Une grave décision s’impose et elle sera prise officiellement le 20 août 1960 : on vend l’entreprise à Bell Canada après 34 années de loyaux services à la communauté. Le central restera en opération durant trois ans encore, jusqu’à l’automatisation de l’équipement. Aussi verra-t-on disparaître progressivement des maisons le téléphone mural à magnéto avec sa manivelle. Le métier de téléphoniste cessera d’être exercé à Saint-Donat en 1963.
Remerciements. Pour leurs précieuses informations, je tiens à remercier : Madeleine Forget-Regimbald, Hectorine Bilodeau, Louise Auger, Noëlla Lachapelle, Mme Jacqueline Chalifoux- Aubin ainsi que Mme Lucienne Thibault-Lauriault. Appel à tous. Si des gens de la région ont conservé des objets ou souvenirs de la Compagnie de Téléphone de Joseph Thibault, ex. un ancien téléphone, une facture, un ancien bottin, etc. j’aimerais bien que vous communiquiez avec moi au (819) 424-3720.
Photo-vignette : Madame Lucienne Thibault-Lauriault posée devant son restaurant (Aujourd’hui Variété St-Donat) sur la rue Princiaple, en mars 1945.
Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Octobre 1995