Il y a eu la grande crise entre les deux guerres, la première 1914-1918 et la seconde 1939-1945. Cette situation se percutait aussi, dans le petit monde de Youssouf, ici à St-Donat comme ailleurs, tous en ont souffert. Nous, les générations suivantes, pourrions-nous évaluer les difficultés, qu’ils ont dû rencontrer ?
C’est quoi une crise, une grande crise … ? Nous en sommes loin, de la crise d’adolescence, mais cela pourrait ressembler, au Krach boursier de 1929, beaucoup de monde, pourrait évaluer les implications que cette période, leurs ont apportées.
Youssouf et sa famille avaient leur petite maison en terre battue, un beau jour, il voit arriver des hommes, ils étaient deux (2), Joseph était sûrement en train de travailler la terre, bèche en main, suant à grosses gouttes, il piochait la terre, pour la survie de sa famille, il s’avère que ces messieurs sont des représentants du gouvernement, soit : chasse et pêche, terres et forêts, gardes de feux, je n’ai aucune idée de leur titre réel, mais je suis certaine, que vous me suivez.
On le somme de quitter les lieux, mais Youssouf, ne peut pas, la goutte va bientôt déborder du verre, la coupe est pleine. Il bouille, il invoque le ciel, il respire plus fort, son cœur accélère, on le provoque, à deux hommes contre lui, que peut-il faire, que va-t-il faire ? Il n’est pas un dur, mais bien un doux, moi j’aimerai croire qu’il était comme un nounours, il sent la menace venir, à grands cris de désespoir, son juron sort : crime-chien, je vous dis, qu’il n’en peut plus, l’outil qu’il avait à la main, a sûrement aidé à sa protection, mais jamais, il aurait attaqué, en défense seulement, pourquoi avoir, encore et encore, des provocations, des désespoirs et des troubles, il veut simplement être heureux avec les siens.
Oui, sa situation est ambiguë, mais comme beaucoup de monde du temps, attendait pour avoir une terre à eux, le gouvernement attirait les bons citoyens ou les immigrants, avec des promesses, de terre à défricher. Comme le dirait, notre bon vieux, Curé Labelle :
« La colonisation ». Joseph (Youssouf) était squatter, ce n’était pas un déshonneur, mais bien, la survie, il y travaillait à la sueur de son front. Aujourd’hui, il y en a des squatters, dans nos villages et nos villes, que font-ils pour s’intégrer à nous, entrer dans les rangs de notre société ? Que fait-on pour radier, ce mode de vie ? La solution n’est pas à coups de menace, mais avec l’aide en douceur et du cœur.
Joseph (Youssouf) a finalement demandé l’acquisition de cette terre, mais, comme toujours, la paperasse gouvernementale, interfère l’urgence. Un peu plus compliqué, qu’en terres extrêmement éloignées, comme en Abitibi. Mais, il se préparait, tout bourdonne, dans sa tête : les projets, le travail, la famille, la maison future, la survie et la belle Denise. Il faut abatte les arbres, pour avoir du bois, de cela, faire scier les arbres, pour avoir des planches, défricher le terrain, pour avoir de la place, pour situer la maison, semer, pour avoir de la nourriture. Rien n’arrête Youssouf, pas même, les jours trop courts, la neige et le froid, l’hiver. Pas même, les grandes journées, d’un soleil à l’autre, les grandes chaleurs estivales, ni les moustiques, l’été. Au fil des saisons, il progresse, même malgré la triste, de fin d’automne et le renouveau, du printemps.
Joseph (Youssouf), père, car maintenant, il faut le différencie de son fils le plus vieux, Joseph (fils), pratiquait le troc, un service contre de la viande, des légumes contre de la farine, pour trouver des aliments, pour nourrir sa famille, tout échange, services et biens, étaient de mise, pensez combien de choses sont nécessaires, pour nous permettre, un vie décente ?
Le projet de construction de sa première vraie maison, est dans sa tête, il l’explique à sa femme, à ses voisins, ses enfants. L’exprimer tout haut, aide au projet, lui donne forme et permets au vis-à-vis, de figurer l’architecture du bâtiment. Le projet a été transmis de bouche à oreille, de père en fils, à mémoire d’homme, tout est arrivé vers moi, avec une justesse surprenante.
L’ébauche a été faite, par son petit-fils, Réjean Issa (mon frère), il l’a reproduit, au crayon de plomb, de mémoire. Mais quelle mémoire ! Nous avons fait l’exercice, sans exemple, ni repère. Quel artiste ! Merci de partager avec nous, ce pan d’histoire.
Source : Solange Issa, née Issa, Journal Altitude 1350, mai 2016