La famille file, super bien, sur la grande remontée du bien être familiale (nouveau membres) et commerciale (bâtisse et investissement). L’amitié, la compréhension, la compassion, les liens familiaux, la parenté, le bon cœur, mais tout ce que Youssef possédait, tant dans son cœur que dans son portefeuille, y a passé. Les comptes en souffrance s’additionnent, se multiplient et grugent l’homme, si vulnérable, par sa bonté et son intégrité.
Il faudra vendre le commerce, ce qui fût fait en 1910. Ce commerce a été racheté, illico, lors de la faillite déclaré, par Joseph Brisson, pour la somme de 1250,00 piastres, selon l’enregistrement de la vente par Shérif, en date du 22 août 1910. Il reste seulement à retrousser ses manches, et filer de l’avant, trouver une porte de sortie. La famille est là, qui pousse et pousse, en 1911 naquit J. Lucien Gabriel.
Joseph Charbonneau, le plus vieux, restait de l’autre côté du lac Archambault, près de la rivière Michel, que l’on connaît aujourd’hui, sous ce nom, a donné l’idée à Youssouf, mon grand-père, de voisiner sa terre, près de chez lui. Les espaces sont grands et vastes, que de forêts côtoyant, les rives du lac, une possibilité de nourrir la famille : les animaux sauvages, les poissons, mais aussi, il faut avoir un toit, un jardin pour les légumes, partager les petits fruits avec les animaux, et que dire des moustiques ? La citronnelle n’existait pas.
Tout est à construire, à refaire. Un courage ébranlé, défait, une âme en peine, une épreuve indescriptible. Ce n’est pas le temps de s’apitoyer sur son sort, il faut décider, se retrousser les manches, il n’est pas parti de si loin, pour baisser les bras. Un Issa restera toujours un Issa, brave et décidé. Il a construit un shack, en terre battu, des billes pour les murs, équarries à la hache, le bois sur ce terrain était bien présent, même pour cultiver tout était compliqué, il fallait beaucoup travailler, couper les arbres avec quelques outils rudimentaires, glanés ici et là, essoucher, enlever les roches, etc.
Il a traversé le lac, avec sa famille et leurs biens, de peines et de misères, qu’avec deux petites chaloupes, à la rame. L’une s’est bien rendue, mais l’autre, a peiné et échoué, plus loin. Je n’ai pas de difficulté de m’imaginer, la traversée face au vent, aux vagues, à la brunante, avec le nombre de personnes à bord, ils devaient affronter les vagues provenant de la baie de l’ours, vous connaissez sûrement le risque.
Maintenant, faisons un peu de rétrospective de nos origines :
Nous ne parlons pas l’arabe, mais, je suis si impressionné, lorsque je vois des écritures de cette langue. Voyez ce qui suit : au début, c’est notre nom de famille, et en dernier, c’est la signification de Issa en français, au centre, est la prononciation.
يسى, īsā (« Jésus »)
De quelle religion êtes-vous, chrétien, juif ou musulman, etc. ? De répondre : je suis Syrien… Mon grand-père était de religion chrétienne. Je vous en passe un papier, que je ne suis pas ferré en religion. Mais, ce que je suis certaine, c’est qu’il n’était pas musulman. Par contre, si Marie et Joseph ont eu un enfant qui s’appelait Jésus, cela me donne une bonne raison de décortiquer le nom de mon grand-père, Youssef (Joseph), Haël (à l’esprit noble et généreux), Bin (dit), Issa (Jésus). C’est beau et significatif notre nom de famille. Nous en sommes tous fier.
Erratum : dans ma dernière chronique, concernant le livre comptable, je spécifiai le compte payé de Jos Charbonneau, celui-ci était plutôt, mon arrière-grand-père Charbonneau, surnommé le vieux Charbonneau, pour en faire une franche distinction, avec le plus jeune, soit mon grand-père, Joseph Charbonneau.
Source : Solange Issa, née Issa, Journal Altitude 1350, janvier 2016