Laurent Pilon ( 02 )

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Laurent Pilon, un artiste immense

Deuxième partie

Tout d’abord permettez-moi de remercier les lecteurs du journal Altitude 1350 qui m’ont fait part de leurs commentaires suite à la première partie de l’étude de l’œuvre de Laurent Pilon et surtout de leur sentiment d’une découverte importante teintée d’émotion et d’admiration. Les interrogations que posent ses créations ont souvent été formulées ainsi : « Comment se fait-il qu’on puisse prendre autant de plaisir à ce qu’on ne comprend pas vraiment ? » Je vais tenter une réponse. Notre cerveau est un organe biologique et parce qu’elle est conditionnée par notre cerveau, notre façon de voir le monde, de l’appréhender, n’est rien d’autre que biologique c’est-à-dire naturelle. En vérité j’ai eu peur d’écrire ces deux articles. Cela m’a pris plusieurs semaines à les assumer. Je ne savais pas comment les intégrer dans ma propre démarche artistique et même dans ma vie.

Mais voilà que j’ai appris que non seulement à l’hiver 2015 le Musée national des beaux-arts du Québec avait-il acquis une œuvre majeure de Laurent Pilon nommée « Les Danseurs » mais que le Musée possédait déjà une œuvre qui me touche beaucoup, « Le Poney de Byzance ». C’est un honneur qui transcende toutes les aspirations. Le comité de sélection pour l’acquisition d’œuvres est extrêmement serré. La personne responsable de la collection du Musée a un rôle déterminant bien sûr et des artistes de qualité de l’extérieur viennent s’ajouter au comité. Il y a deux comités de sélection par année et seulement 1 à 1,5% de toutes les œuvres présentées sont acceptées. Cet homme dont le code personnel et professionnel exige dignité, intégrité, respect et discrétion m’a pourtant demandé de ne pas trop insister sur ces mots : « La conservatrice de la collection et le comité ont trouvé cela tellement beau. On a évalué cette œuvre-là (Les Danseurs) comme une œuvre d’importance nationale ». Or sur son site internet (www.laurentpilon.ca) Laurent annonce à la communauté artistique qu’il travaille à Saint-Donat, donnant ainsi du pouvoir et de l’importance à chacun de nous, donatiens. De la légitimité aussi pour asseoir encore plus nos projets et nos réalisations. J’y reviendrai.

« Les Danseurs », œuvre peut-être la plus importante de sa carrière a donc rejoint « Le Poney de Byzance ». Quand Laurent m’en a parlé il y a quelques semaines, j’ai spontanément dit : « Ah oui, ton cheval. Je m’en souviens ». Vite inquiet, il a rétorqué : « Où as-tu vu mon Poney de Byzance ? » J’ai répondu : « Mais ici, dans ton atelier, il y a 8 ans, au moment où moi-même je réalisais à l’aquarelle un cheval, bleu aussi ». C’était totalement impossible car le « Poney de Byzance » avait été acquis par le Musée national vers 1988. Pourtant… J’ose humblement interpréter cet incident en parlant de deux mémoires qui se rejoindraient et qui s’immisceraient
dans ma vie de façon très concrète faisant en sorte que je m’en souvienne toujours. L’œuvre de Laurent saisie lors de ma recherche et ma propre interprétation d’un cheval de Troie en cours lors de cette recherche.

« Le Poney de Byzance » faisait partie d’une œuvre de laquelle Laurent a découpé plusieurs carrés pour les assembler différemment. Au bout d’une recherche qui a duré 3, 4 ans, il y a eu comme un point d’achèvement et le poney est apparu. C’est une sculpture d’une beauté indicible qui a une charge sémantique, c’est-à-dire scientifique, qu’on ne peut encore évaluer.

L’espace et le médium m’empêchent de parler plus longuement d’œuvres majeures comme « Segment d’origine » et « Les Cinq Géants » (titre provisoire), œuvre énigmatique et monumentale où on voit des strates rappelant des sédimentations rocheuses, des cavités et des carapaces. Chaque géant se suffit à lui-même mais l’œuvre entière a une valeur nouvelle. Je vous prie d’aller sur son site pour connaître mes références et vivre une gamme très vaste de réactions ; peut-être, comme moi, entendrez-vous des sons sortant de je ne sais où, oserais-je dire de l’origine des choses. Laurent crée aussi des personnages susceptibles d’habiter des théâtres ou des salles symphoniques. Ils sont magnifiques, faits de résine, de laine de verre et de graphite. Et puis il y a ses dessins au crayon sur papier aquarelle qui seraient dignes d’être offerts dans un coffret luxueux à tirage limité.

Je termine en disant que je me suis beaucoup intéressée aux futurs projets de Saint-Donat. J’irai aux rencontres d’information ne serait-ce que pour me permettre de rêver qu’on fasse une place dans notre village à Laurent Pilon comme l’on fait l’Université du Québec à Montréal, le CEGEP de Saint-Jean-sur-Richelieu, l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont ou l’École de technologie supérieure à Montréal. La résine peut servir à l’infini. Elle est ignifuge, solide, rigide et résiste autant à la corrosion qu’aux intempéries. Imperméable, sa transparence en fait un substitut au verre et si la vue frontale est renversante, la vue d’illumination arrière est spectaculaire. Saint-Donat serait un lieu où viendraient des artistes, des touristes, des gens qui aiment le beau, pour voir un modèle d’intégration unique à l’architecture sur le lieu même où Laurent habite et travaille. Notre dernière rencontre s’est terminée sur de très belles phrases : « J’ai un rapport amoureux avec la matière. Je ne revendique pas tout ça. C’est notre rapport, la résine et moi, qui m’a amené là ». Merci infiniment Laurent.

Source : Journal Altitude, Nicole Lajeunesse