Le Camp Kalmia 1954-1959

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Kalmia, la plante. Pour les connaisseurs de la flore laurentienne, le Kalmia angustifolia que l’on retrouve abondamment dans la région, comme au lac Ouareau, est le prince de nos tourbières. Il tire son nom du célèbre naturaliste Finlandais Pehr Kalm. Son voyage qu’il fit au Canada en 1749 nous a appris beaucoup sur les us et coutumes des habitants de la Nouvelle-France.

Kalmia, le Camp. Éducateur dans l’âme, Raymond Goudreault (1912-1988) saura mettre à profit auprès des jeunes son expérience et ses connaissances sur la nature et la vie en forêt. Né à Montréal, outre ses études dans les domaines de la botanique, la géologie et la minéralogie, Raymond Goudreault fut un ardent collaborateur du Frère Marie-Victorin. Il fut entre autres, directeur des visites éducatives au Jardin Botanique de Montréal, directeur des relations extérieures des Cercles de Jeunes Naturalistes (C.J.N.) et secrétaire de la société Canadienne d’Histoire Naturelle. Aussi, sera-t-il charmé par la magie du lac Ouareau lors de visites à la fin des années 1940.

Vers 1949 il y achète sous bail du gouvernement des terrains accessibles uniquement par bateau. Aujourd’hui, ceux-ci bordent le chemin Ouareau Nord, entre la rampe de mise à l’eau Ouareau Nord et un peu avant le chemin de la Presqu’île. M. Goudreault se rend sur cette rive du lac en chaloupe à partir de la maison de Gabriel Riopel résidant sur le chemin du lac Croche (ch. St-Guillaume). En 1950, un premier camp est construit sur la pointe du lot 17, (aujourd’hui propriété de M. Langlois) qu’il appelle “l’ourson”. Ici j’ouvre une parenthèse. Cette pratique de donner un nom à une habitation généralement construite en pleine forêt, à proximité d’un lac et loin de toutes commodités est très courante à Saint-Donat comme dans plusieurs endroits au Québec. On réfère fréquemment à la nature ou à un nom amérindien. Comme si le milieu naturel et les conditions de vie “d’aventure” des premiers villégiateurs et résidants estivants pouvaient être représentés en partie dans la désignation du nom qu’ils choisissaient pour leur habitation.

En 1951, Goudreault commence une autre maison sur le lot 15 qui deviendra le Camp Kalmia. Depuis, ce bâtiment a été converti en duplex. À l’époque, il n’y a pas d’électricité, pas de chemin sauf la route d’eau comme on l’a vu et l’hiver on prend soin de transporter par la glace les gros matériaux nécessaires aux constructions. Cette aventure de pionnier a certainement favorisé chez Raymond Goudreault le goût de la faire partager à des jeunes et quoi de mieux que de l’offrir à ceux qui font partie des Cercles de Jeunes Naturalistes qu’il connaît bien.

Il obtient en 1953 les lettres patentes du Camp Kalmia qui porte le nom au début de “Camp sportif Kalmia enrg”. Les portes ouvrent officiellement l’été suivant. Parallèlement, en mai 1955 la Société Canadienne d’Histoire Naturelle organise une excursion sur un terrain qu’elle utilise fréquemment au barrage du lac Ouareau. En était-elle propriétaire ? On n’en sait rien, mais disons que la nature était au rendez-vous et Raymond Goudreault aussi.

Le Camp Kalmia accueille seulement des filles âgées de 12 ans à 18 ans de juillet à la mi-août. Il y a 12 chambres à coucher, un lavabo dans chaque chambre, 2 salles de bain, un grand vivoir avec foyer, une salle à manger avec une splendide vue sur le lac. Sauf exception, les filles proviennent toutes de Cercles de Jeunes Naturalistes. Il est intéressant de noter que Kalmia se différencie des autres Camps de jeunes à Saint-Donat. Sa vocation éducative axée sur la connaissance pratique (excursions et travaux) de la faune, la flore, l’ornithologie, la géologie et l’astronomie, illustre bien la philosophie du Camp. D’ailleurs, Goudreault écrit dans sa brochure : “Notre formule est bien connue : L’École de la route ou (...) l’étude de la Nature en dehors des manuels scolaires”. Les premières années du Camp, les chaloupes Verchères, du nom du lieu où on les fabriquait, se suivaient à la queue leu leu en prenant leur départ le dimanche chez Gabriel Riopel. Pas d’électricité, pas de route terrestre, en plein bois, enfin l’endroit idéal pour inventer des histoires de toutes sortes au moindre clapotis de l’eau sur les berges ou au sifflement du vent dans la cheminée.

De plus en plus l’organisation du Camp Kalmia exige beaucoup de Raymond Goudreault et de sa famille. Il ne lui reste finalement plus de temps pour ses vacances estivales, aussi, décide-t-il de fermer en 1959 cette jeune colonie naturaliste sans toutefois oublier les joies et l’apprentissage que les jeunes y ont gagnés.

Une anecdote : avant la fondation de la paroisse de Notre-Dame-de-la-Garde en 1957, les jeunes filles vont à la messe à l’église de Notre-Dame-de-la-Merci. Soeur Laurette Lachapelle, f.d.l.s. me faisait remarquer que l’emplacement du Camp Kalmia représente la limite de la paroisse “du lac Croche”. Je tiens à remercier tout spécialement Mme Simone Langelier épouse de feu Raymond Goudreault pour avoir partagé avec moi ses beaux souvenirs du Camp Kalmia et pour les autres informations Mme Madeleine Aquin-Rousseau et Soeur Laurette Lachapelle.

Photo-vignette : Le Camp Kalmia. À gauche, on remarque l’enseigne KALMIA. Même si on est au début de 1950, le grand feu de 1941 au lac Ouareau laisse encore place à la désolation si l’on en juge par l’état des arbres.

Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Septembre 1993