Le devoir de mémoire
Dans un précédent article intitulé « Jour de reconnaissance pour André Gaudet » je faisais mention de la présence de 20 visiteurs assez inattendus au sein du groupe présent à la cérémonie de remise de la « Médaille du souverain pour les bénévoles » à André Gaudet. Leur présence mérite une explication.
Soulignons d’emblée que ces personnes, étrangères à notre collectivité, ont toutes un lien familial avec un des 24 aviateurs décédés lors de l’écrasement du bombardier Liberator B-24 des Forces armées canadiennes dans la nuit du 19 octobre 1943 sur la Montagne Noire à Saint-Donat. La cause de cette tragédie n’a jamais été établie. Le pilote de l’avion était Stephen Andrew Sanderson. C’est par lui que débute ce témoignage.
Les trois premiers membres de la délégation Sanderson sont Peter, fils du pilote et Steve, neveu de ce dernier. Il était accompagné de son épouse Nancy.
Les dix-sept autres membres de la délégation sont tous reliés à la sœur
du pilote, Mary Sanderson-Lemire, aujourd’hui décédée. Ses fils Michael et Joe étaient présents ainsi que sa fille Sandra, accompagnée de son époux John Van Raay. Ajoutons les cinq enfants de Mary : Mark, Maribeth, Anne Marie, Marisa et Paul, accompagnés de leurs conjoint(e)s). Étaient également présents les trois enfants de Paul. Précisons que cette famille extrêmement attachante a fait le voyage en provenance de Caroline-du-Nord (U.S.A.).
C’est Anne Marie, l’une des filles de Mary qui a organisé ce pèlerinage. À l’origine, une recherche que devait réaliser son fils pour une exposition consacrée à l’histoire et au patrimoine canadiens semble avoir soulevé beaucoup d’intérêt pour l’événement d’octobre 1943. Le projet est en fait devenu familial en quelque sorte. On a consulté la veuve du pilote, toujours vivante à l’époque, de même que son fils, Peter. De plus, le neveu Joe Lemire, avait déjà colligé beaucoup d’informations en rapport avec la mort accidentelle de son oncle.
Qui était donc Stephen Andrew Sanderson (1921-1943) ? C’était un pilote expérimenté qui avait été instructeur à Aylmer (Qc). En octobre 1941, lors d’un vol d’entraînement, un incendie éclate à bord de son avion. Il ordonne à son étudiant-pilote de sauter en parachute. Il parvient ensuite à faire atterrir son avion malgré tout. On l’a décoré de la Air Force Medal suite à ce haut fait. Il a été affecté par la suite au North Atlantic Squadron basé à Gander (Terre-Neuve). Il participe aux missions d’accompagnement et de protection des convois naviguant dans l’Atlantique Nord en partance de Halifax et qui étaient effectuées par les bombardiers Liberator B-24. On rapporte qu’il a participé en tant que co-pilote à deux attaques contre des sous-marins allemands lors d’une même mission, le 23 septembre 1943.
Le Liberator B-24, immatriculé 3701, qui s’est écrasé sur la Montagne Noire en octobre 1943 et qui était piloté par S.A. Sanderson n’était pas de ceux qui étaient utilisés pour la chasse aux UBooth (sous-marins allemands). Ils servaient uniquement à l’entraînement des nouveaux pilotes ou au transport de personnel militaire. Le soir du 19 octobre 1943 il avait à son bord 6 membres d’équipage et 18 autres membres de l’armée de l’air en permission. Ironie du sort, cinq d’entre eux faisaient partie de l’équipage d’un Liberator qui avait réussi à couler un sous-marin allemand (U-341) quelque temps auparavant.
Des membres de la famille Sanderson avaient déjà participé aux divers événements commémorant la tragédie d’octobre 1943. En 1946, lors de la cérémonie religieuse organisée sur le lieu de l’écrasement, le frère du pilote, George Anthony Sanderson était présent alors que son père Georges de même que sa sœur Mary Sanderson-Lemire se trouvaient au pied de la montagne. En 2018, lors des cérémonies entourant le 75ième anniversaire de la tragédie, le fils du pilote, Peter Sanderson de même que son neveu Steve Sanderson, se trouvaient parmi nous.
C’est Anne Marie qui en 2019, se souvenant du travail de recherche effectué une dizaine d’années plus tôt, eut l’idée de proposer ce voyage aux membres de sa famille. Après avoir pris contact avec la municipalité de Saint-Donat, on lui a référé Steve Sanderson et de là le projet pris forme.
Treize des vingt personnes membres de la délégation qui ont effectué ce pèlerinage se sont également rendues sur le site de l’écrasement, en compagnie de deux guides chevronnés, associés aux « Gardiens du Liberator », soit Daniel Juteau et Jacques Deguire. Par leur présence à la cérémonie de remise de médaille à André Gaudet et au souper au Club de golf, les Sanderson lui ont rendu un bel hommage et par extension, à son père, Joseph Gaudet, membre de l’expédition de terre qui en 1946 procéda à la localisation de l’épave de l’avion et des restes des 24 aviateurs décédés en 1943.
Il est indéniable que la famille Sanderson, toute la famille, se trouve liée à nous gens de Saint-Donat pour qui le devoir de mémoire est évidemment important. Je termine en citant ces mots d’Anne Marie, petite-nièce du pilote : « When we stood behind Steve Sanderson’s cross (at the top of the mountain)… we all had tears in our eyes… We cant even describe with words how it felt to make this connection which we know would have brought our grandma such peace ». Et je traduis librement : « Alors que nous nous tenions au sommet de la montagne près de la croix de Steve Sanderson nous avions tous les larmes aux yeux... Impossible de traduire en mots comment nous nous sentions d’avoir pu établir ce contact qui, nous le savons, aurait procuré tant de paix à notre grand-mère – Mary Sanderson-Lemire ».
Légende de la photo jointe :
La famille Sanderson à la remise de médaille à André Gaudet.
(Photo par André Bazergui)
Source : Journal Altitude, Jacques Cotnoir