L’expansion rapide du village au début du XXe siècle est particulièrement liée au développement de l’industrie forestière. Jusqu’en 1900, seul le moulin à scie des Coutu à la décharge du lac Archambault est en activité. Saint-Donat étant l’une des rares paroisses de la région à être épargnée par les grands feux forêts, les activités forestières s’y déplacent et vers 1910 cinq autres moulins sont exploités dans les limites de la municipalité. Le bois que l’on coupe provient en grande partie des lots des cultivateurs. En 1916 la St-Maurice Paper ouvre un bureau au lac Ouareau que les gens appellent plus familièrement le “Keep Over”.
ALPHONSE RAYMOND. En 1909, le menuisier Alphonse Raymond, originaire de Saint-Denis de Kamouraska, construit le premier moulin à scie à vapeur de Saint-Donat à l’endroit où se trouve aujourd’hui le Parc des Pionniers dans la baie du Château du Lac. Pour ceux qui l’ont connu, ont dit de lui qu’il était un homme ingénieux et très habile de ses mains. Attenante à son moulin, il possède une boutique de forge et une fabrique de chaloupes de bonnes réputations. Le Père Adrien Bergeron des Pères du St-Sacrement, aujourd’hui décédé, fréquentait la petite fabrique de chaloupes de Alphonse Raymond qui avait acquis une forte réputation dans la petite colonie du lac Archambault. Selon ses propres termes, la chaloupe “Raymond” la “pointue-des-deux-bouts” était la préférée de tous parce qu’elle était légère, rapide en course et très solide.
LA COMPAGNIE DE VENEER. En 1926 Alphonse Raymond vend son moulin et les dépendances à la Compagnie de Veneer St-Donat Ltée, récemment fondée. À ce moment la compagnie est représentée par Maxime Riopel, président et Hector Bilodeau secrétaire-gérant. Quatre ans après la vente de son moulin, Alphonse Raymond décède. Avec le temps le nom de la “montée Raymond” utilisé pour se rendre au moulin changera pour celui de l’avenue du Lac. Après la faillite de la compagnie de Veneer vers 1932, Mme Aimée Francoeur veuve de Alphonse rachète la compagnie pour la donner à son fils Donat. Il hérite donc du moulin à scie et des dépendances, de la boutique de forge ainsi que de la fabrique de chaloupes. Il y ajoute avec le temps une machine à planer et une machine à bardeaux qu’il fabrique lui-même avec les pièces d’un engin à vapeur qu’il avait acheté de l’ancienne Beurrerie de Hervénie Beauchamp.
LE MOULIN À SCIE LACHAPELLE. À l’été 1945, Donat Raymond vend le moulin à scie et sa maison à René Lachapelle, originaire de Mascouche. À cette époque il tient sur la rue Principale une épicerie-boucherie. Avec l’arrivée de ce nouvel entrepreneur, le moulin à scie se modernise, on achète une nouvelle bouilloire de 16 pieds de long et de 8 pieds de diamètre et on change la cheminée du moulin. Au mois d’août 1950 René Lachapelle forme sa compagnie sous le nom de Lachapelle Ltée qui comprend le moulin à scie et tout ce qui s’y rattache ainsi que son magasin sur la rue Principale. Ces années-là le moulin à scie est en pleine expansion, le bois est vendu presque exclusivement en dehors du village, vers les États-Unis et l’Ontario. Au plus fort de l’entreprise, 25,000 pieds de bois sont sciés chaque jour. Dès 4h30 du matin, on s’affaire à chauffer la bouilloire dont la pression doit atteindre 150 livres pour faire fonctionner les différentes machines. Une équipe d’une quinzaine d’hommes y travaille de 7h à 18h. Durant l’hiver, les “jobbers” coupent et transportent le bois jusqu’à la baie de l’Ours, à l’autre bout du lac. On ne récolte que du bois franc, le bois mou étant l’apanage des grosses compagnies forestières. Au printemps, le bois franc est assemblé en radeau ou “boom” ceinturé de bois mou pour le faire flotter. Tout cela est “chainé” puis tirer par une embarcation à moteur jusqu’au moulin. Le voyage se fait de nuit, après la tombée du vent. Si les conditions climatiques sont idéales, cela prendra 14 heures au capitaine pour mener sa charge de 5,000 billots à bon port.
ÉPUISEMENT DES RESSOURCES. Au début des années 1960, le moulin ne répond plus qu’à la demande locale. Les terres des habitants étant épuisées et les forêts environnantes monopolisées par les grandes compagnies, l’entreprise se voit dans l’obligation de fermer ses portes en 1972. Le moulin aura quand même fonctionné durant plus de 50 ans. Je tiens à remercier M. Yvon Forget pour ses informations précieuses et je lui souhaite une bonne lecture à l’abri des palmiers. Déjà rendu aux Fêtes, je souhaite à tous mes lecteurs et lectrices un très Joyeux Noël et une Bonne et Heureuse Année 1996.
Photo-vignette : Alphonse Raymond (1861-1930). Paul Aubin un ancien Donatien me racontait qu’Alphonse Raymond portait toujours un chapeau. Il n’y avait que le dimanche à l’église où il se décoiffait et l’on pouvait alors apercevoir une énorme bosse sur sa tête. Il avait entendu dire qu’il s’était fait cette bosse lors d’un accident sur le chantier de construction de la basilique de Québec. Il aurait reçu sur le crâne un marteau échappé par un travailleur du haut d’un échafaud.
Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Décembre 1995