Un petit brin d’histoire :Les écoles de rang Suite
La construction du couvent au village ne signifie pas pour autant l’abandon des écoles de rang, lesquelles conserveront encore plusieurs années leurs fonctions originales. L’emplacement de ces écoles est en étroite relation avec l’implantation des colons.
Ce sont les commissaires qui délimitent les arrondissements, lesquels se définissent d’après les concentrations démographiques. Ainsi l’arrondissement no 1 correspond à l’agglomération villageoise, les arrondissements 2 et 3 sont situés au « rang double » du lac Ouareau, l’arrondissement no 4 à la corniche (chemin Provost) et également l’arrondissement du Pimbina.
Néanmoins, par rapport au village disposant d’écoles de plus en plus imposantes, les écoles de rang, plus petites (souvent une seule classe) seront, la plupart du temps, construites à la suite de requête des colons auprès des commissaires et au surintendant de l’instruction publique à Québec.
Ainsi, les habitants situés au Pimbina adressent en août 1929, au surintendant à Québec, une requête stipulant leur situation désavantagée par rapport au village. Il faut croire que la construction de l’école en mai 1906 par M. Pierre Simard fils, sur le lot 45 du quatrième rang, au coût de 275 dollars, ne convenait plus au besoin de ce secteur. On peut voir encore le bâtiment de cette seconde école situé un peu au nord du Camping Russell dans le fameux détour en épingle.
Permettez que je vous cite un extrait d’une publication écrite récemment par Mme Huguette Morin-Bertrand intitulée « La petite sauvageonne du Caribou ». Dans cette publication, dont j’ai pris un très grand plaisir à prendre connaissance, elle consacre un chapitre qui relate sa première expérience dans l’enseignement, décrivant très judicieusement la réalité de ce métier dans une école de rang.
« Je quittai encore la maison pour entreprendre mon travail d’enseignante à l’école Saint-Arthur du Lac Ouareau 1. Ayant travaillé au Club durant tout l’été, ce n’est que la veille de la rentrée scolaire que mon frère Lévis vient me reconduire à Saint-Donat. Je m’empresse donc de faire mes préparatifs pour la semaine.
L’école est située à 5 km de chez moi 2 et je n’ai pas de véhicule pour me voyager. J’habiterai donc à l’école. C’est en faisant mon marché à l’épicerie Nadon que M. Nadon, un ami de mon père, me demande : « Comment t’en vas-tu à l’école ? ». Je lui réponds : « En taxi ». Il me réplique aussitôt « Non, non, attends après le souper et Léonard ira te reconduire avec le camion de livraison ». À ce moment, Léonard travaillait chez Nadon et je ne le connaissais que de vue. ( ... ) Il fut pour moi d’un grand secours. Les fenêtres de la chambre et de la cuisine étaient de 3 mètres. Avec une chaise posée sur la table, il a réussi à fixer au mur mes belles tentures de plastique payées un dollar. Il nous fallait quand même un peu d’intimité. L’unique lit que ma compagne et moi devions partager, n’avait que trois pattes. Le seul bois disponible était du bois de chauffage. Léonard a réussi à trouver un quartier qui a pu redonner l’équilibre à notre lit. Il s’est aussi empressé de vider la cendre du poêle et de son tuyau. ( ... ) J’ai grandement apprécié sa débrouillardise, sa générosité. Ma compagne institutrice, qui partageait avec moi ce petit gîte durant 10 mois, l’admira aussi.
Le poêle à bois servait à la cuisson des repas et au chauffage de nos deux pièces. Nous n’avions pas de réfrigérateur ni de glacière.
Tous les soirs, après la classe, nous nous rendions au magasin Piotte chercher notre viande et nos rares légumes. Pas de salle de bain, une simple toilette sans lavabo qui servait aussi aux élèves durant la journée. Un bol à mains avec de l’eau chauffée sur la cuisinière servait à nos ablutions quotidiennes. Si je voulais quelques moments d’intimité, je me réfugiais dans ma classe qui était au deuxième étage.
Après les Fêtes, les parents de ma compagne partent pour le chantier et nous accueillons ses deux petites sœurs pour leur permettre de terminer leur année scolaire. Nous nous retrouvons donc quatre personnes à partager ce petit appartement. Je savais que cette expérience ne durerait qu’une année, puisque j’enseignerais au village l’année suivante.(...)
Même si pour plusieurs les tâches que j’accomplissais étaient des tâches d’adulte , je ne me suis sentie réellement adulte que le 7 septembre 1951, quand pour la première fois, je me présente dans ma classe. Trente élèves de dix à quinze ans me toisent du regard. L’aîné des élèves, un grand adolescent qui me dépasse d’un bon six pouces, dit à haute voix, si ce n’est en criant : « C’est à matin qu’on va tester la maîtresse ».
Le sang m’a figé dans les veines. J’ai pu m’imposer en lui disant d’un ton ferme : « Monsieur Houle, je vous prie de vous asseoir à votre place ». Il m’a regardée la mine déconfite et dans la classe, ce fut le silence total. J’ai réalisé à l’instant même que la discipline serait au menu quotidien. À partir de ce moment, je suis devenue non une enseignante, mais une éducatrice. »
1. L’école était située près du chemin qui mène au Centre de ski La Réserve.
2. La demeure de ses parents était située à l’endroit même où est bâti le Bistro O’Divin (coin rue Principale et St-Donat).
3. Dès l’âge de 14-15 ans, elle jouait le rôle de cuisinière au Club de Pêche le Caribou
Source : Pierre Forget, Journal Altitude, août 2012
Source : Claude Lambert, anthropologue-historien. Journal Altitude janvier, février, mars 1994.