Voici la maison qui s’érige, planche par planche, tous les bras y contribuaient, les grands comme les petits, toute la famille y participait. Denise, notre grand- mère, avait beaucoup à faire, les petits nez à nettoyer, les grands à surveiller, la cuisine, le lavage, l’entretien de la maisonnée et de ses occupants. Tous fières d’y travailler, car il y aura bientôt, une vraie maison confortable. Il ne faut pas oublier que nous sommes en période de disette, beaucoup de gens se rappelleront, du fameux ¨ Krach ¨ le 24 octobre 1929, soit le jeudi noir, souvent nommé : la grande dépression. Dix années d’incertitudes, de crises, même à Saint-Donat, la population en souffrait. Youssouf, son cœur est bon, il se morfond avec la réalité, il sympathise avec ses connaissances du village, et sait, que tous en arrachent, et ils s’entraident.
Voici les contrastes, servants à tempérer les difficultés rencontrées :
D’un côté, le journal : La Patrie de Montréal, nous informant du gigantesque krach et de l’autre l’encouragement, d’une grande chanteuse. Madame Bolduc a donné à la chanson québécoise, un vent de fraîcheur, elle a su trouver les mots justes et l’humour nécessaire, en plein cœur de crise économique des années 1930. Est-ce que Youssouf et sa famille, chantaient et comprenaient cet encouragement, pas de radio dans le bois, mais les bonnes ou les mauvaises situations, font vite le tour de la province. Comme le dit sa chanson : Çà va venir, découragez-vous pas…
Comment Youssouf a vécu cette crise ? Il avait tout perdu, il n’avait plus rien, très difficile d’en perdre plus. Son courage et sa persévérance, lui étaient restés.
Bon parlons maintenant de la jeunesse fougueuse, des enfants de Denise et d’Youssouf, cette progéniture en avait mare des obligations paternelles, du travail et de la survie. C’est alors, que ce qui devait arriver…, arriva…, pour de jeunes chevaux fringants, je vous parte de Joseph, le fils (mon papa), né en 1905 et son jeune frère, Donat, pour eux, il y avait mieux à faire, que le labeur, du moins, eux aussi commençaient leur vie, c’est vraiment là, que l’on voit, le cercle de la vie, qui tourne et tourne. Tout est du pareil au même, la végétation, les animaux, les poissons et les hommes, nul n’y échappe.
Joseph, fils et son frère Donat, après leur grosse journée d’ouvrage (10 ou 11 heures), allaient quelques fois au village, pour aller jouer aux ¨ pools ¨. Youssouf trouvait que cela n’avait pas de bon sens, Joseph (fils), lui rappelait, qu’ils étaient fringants de jeunesse. On voit cela encore aujourd’hui, les enfants qui sont si fatigués de leur journée de travaux, mais jamais assez, pour sortir s’amuser. Le village est loin, à partir de la Rivière Michel, mais jamais trop, pour les loisirs, qui eux étaient très rare : pool, une jasette entre amis, une partie de cartes, une bière d’épinette sur la galerie du magasin général, une bagosse maison, entre hommes, j’ai beau y penser, mais les loisirs ne sont pas si présents.
Que pouvait dire ou faire Youssouf, le travail demandé, était fait ? Lui aussi a été jeune, il comprenait très bien, les désirs de sa marmaille.
« Le 10 avril 1919, le gouvernement québécois tenait un vaste référendum sur la question de la vente de la bière et du vin. Les Canadiens français, majoritaires dans la province, votaient en faveur de cette vente. ». Au su de tous, jusqu’à la fin des années 1950, les Québécois fabriquent, trafiquent et consomment des alcools clandestins, à très haute échelle.
Pourtant, mes recherches se butent à des pertes de mémoire, dès que je pose une question précise. Où se situaient les alambics ? La fabrication, la consommation et le commerce de l’alcool artisanal, illégal, frelaté, de contrebande, cela se faisait ailleurs ! Ou nulle part ! Comment se faisaient la fermentation, la distillation ? Les gens interrogés disaient dans les cabanes à sucres, dans les maisons, connaissent le sujet. Ils affirment tous, que les alambics étaient chez le voisin, dans une autre famille, dans un autre village. L’alcool provenait d’un « No man’s land », situé nulle part, dans les montagnes ! Qui n’y a pas pensé, un peu ingénieux et l’affaire est dans le sac.
Je vous ai déjà parlé de cupidon, vous savez, le petit quelque chose, qui fait la différence, lorsque l’on regarde quelqu’un. Ce regard de Joseph fils, pour la belle ouvrière, qui aide son papa, au commerce du moulin à scie. Bien ce dernier, a sûrement accroché son fanal, c’est ce que j’ai compris et appris, que tel était la coutume. Si j’analyse, l’expression du temps, pas de lampe de poche, pas de sortie le jour, car ils doivent travailler, à la lumière du jour, donc le soir, les garçons se promenaient avec un fanal, pour aller voir la fleur s’épanouissant, en l’encontre de leur convoitise ou leur cupidité, ici l’on peut parler, de richesse du cœur. Un fanal, se doit d’être accroché, les cœurs aussi.
Papa allait voir Laurette, les bons soirs. Les bons soirs étaient les mardis, les jeudis, les samedis et les dimanches. Mais puisqu’il y avait, le lac à traverser, les bons soirs se résumaient, que très peu souvent, Je crois, que cela se résumerait aux samedis soirs et sûrement, les dimanches, après la messe. Il devait prendre trente-cinq minutes, pour traverser le lac, en raquette sur la glace, et cela, s’il passait par le Bec à Canard (Baie pas trop loin de la Pointe à Gagné), il y avait un dentiste à cet endroit, le dentiste pour le village, pour les gens bien nantis, ou un quarante-cinq minutes à la rame.
L’Amour… l’amour… peut, soulever les montagnes, mais aussi, traverser un lac… Que c’est romantique. On est loin du voyage d’une heure en auto, pour aller voir, sa douce…
Source : Solange Issa, née Issa, Journal Altitude 1350, septembre 2016