Madame Gertrude Lafond-Nielly et la relation d’aide
Cet article est tout à fait particulier car il fait s’entrecroiser des expériences personnelles et un hommage à une dame qui s’implique depuis toujours dans sa communauté.
Je reviens d’un voyage de cinq semaines en pays catalan (France et Espagne) où j’ai visité des lieux d’une importance extrême car ils témoignent de l’histoire de plusieurs civilisations, de l’époque romaine jusqu’à maintenant. J’ai visité des monastères et des cloîtres, des abbayes, des cathédrales, des sanctuaires, des chapelles, des châteaux et vu d’innombrables vestiges de foi gravés dans la pierre de lieux improbables. Les églises étaient si fréquentées que pour assister correctement à la messe de 11 heures, il fallait arriver une demi-heure d’avance. J’aimais jaser avec les laïcs qui recevaient les visiteurs, voir les jeunes enfants se choisir un coin dans l’église pour jouer le plus silencieusement possible, contourner les landaus où des nouveaux-nés dormaient (s’ils se mettaient à pleurer, un parent sortait s’en occuper tout naturellement), donner 50 centimes ou 1 euro afin de déclencher le mécanisme d’éclairage de tel retable. Certaines églises avaient 7 retables, d’autres plus encore. Un retable c’est une construction, un ensemble peint ou sculpté placé sur le maître-autel ou autour de celui-ci ; on ne peut en décrire la magnificence. J’aimais aussi prendre des photos des fonts baptismaux et des chaires tellement, tellement parlantes. Perpignan, Carcassonne, Narbonne, Béziers, Fontfroide, Montserrat (Espagne)… De sorte qu’au retour j’ai voulu écrire sur une personne qui fait partie de ces aidants qui oeuvrent au sein de ma communauté. J’ai choisi madame Gertrude Lafond-Nielly alors que je ne la connaissais pas du tout mais sa sensibilité et sa réserve m’intriguaient.
Gertrude a une véritable passion pour l’étude. Elle n’a jamais arrêté d’aller à l’école en quelque sorte. Partie travailler à Montréal, elle voit une annonce invitant des personnes à oeuvrer dans une institution pour « enfants déficients mentaux rééducables ». Quelle horrible définition, mais c’était l’époque. Elle y voit à la fois une belle opportunité d’emploi et une formation inspirante auprès de seize enfants de 10 à 12 ans, officiellement, car elle s’occupait aussi de plus jeunes. Parallèlement elle s’engage dans un cours en éducation spécialisée afin que ses études servent correctement sa clientèle et le Franklin Center d’Huntington était ma foi fort approprié et bien coté.
Elle décide cependant de revenir à Saint-Donat pour épouser monsieur Michel Nielly et avoir une première fille, Christine, puis une deuxième, Dominique. Elles lui donneront quatre petits-enfants : Xavier, Tristan, Rose et Sofia.
Gertrude voulait rester à la maison et éduquer ses enfants elle-même afin qu’ils aient les mêmes valeurs sur le plan moral, intellectuel et même physique. Elle sera donc à l’origine des Loisirs des tout-petits avec d’autres personnes indispensables à une vie communautaire. Il s’agissait d’un organisme à but non lucratif visant à répondre aux besoins des parents et des enfants, axé sur l’éveil socio culturel des enfants âgés de 0 à 5 ans. Ce n’était pas une garderie. Elle y oeuvrera 16 ans, de 1974 à 1990. Ensuite, tout en continuant avec cet organisme, elle sera responsable de la garderie scolaire située au sous-sol de l’église pendant 3 ans. Un casse-tête de beaux horaires à assembler mais « ça allait bien » selon elle. Elle a cependant dû trouver une remplaçante et plusieurs s’y sont succédées mais Les loisirs des tout-petits ont cessé d’exister en 1997. Elle travaillera plus tard au service de garde de l’école de 2003 à 2009.
Le croiriez-vous si je vous disais qu’elle jonglait avec quelques morceaux d’un autre casse-tête ? En effet, à partir de 1984, elle faisait partie de la formation à la vie chrétienne : préparation aux sacrements, activités en paroisse, rencontres le soir ou les fins de semaine. Elle se rappelle avoir visité 250 familles, 250 maison donc, pour la préparation au baptême. Elle dit : « J’ai été tellement bien accueillie. De saprées belles expériences. J’allais jusqu’au lac Sylvère. Le monde de Saint-Donat, c’est du monde inventif, plein d’énergie et d’imagination ». Elle a décidé de prendre des cours en animation pastorale pour pouvoir parler correctement de la foi aux enfants, particulièrement à ses deux filles qui étaient rendues là. Sans cesser de se promettre à elle-même de revenir à l’éducation spécialisée un de ces jours.
Elle a été nommée par l’évêque membre du conseil diocésain de pastorale de Mont-Laurier en 1994 et elle y a œuvré jusqu’en 2003. « Ces années-là j’ai vécu de belles expériences et j’ai rencontré beaucoup de personnes qui m’ont fait grandir. Une période bien importante de ma vie » me confie-t-elle. Gertrude a aussi sûrement beaucoup apporté à la communauté car elle était forte d’études sérieuses et particulièrement adaptées.
En effet je vous avoue que j’ai été époustouflée par les notes que Gertrude a obtenues à Sainte-Agathe où le collège André-Grasset déplaçait des professeurs pour un certificat d’études en Intervention pastorale de 1989 à 1994. Ce collège est réputé fiable, exigeant et irréfutable dans ses appréciations. Je me permets de vous énumérer ce qu’elle a appris. Connaissance approfondie d’un milieu d’intervention puis sur les approches à privilégier, dimension préventive de l’action, initiation à la Bible, technique d’observation participante, animation de groupe et lecture expressive. Ensuite, connaissance et mise en pratique des techniques de communication orale, insertion de la pastorale dans la société immédiate, psychologie du comportement religieux et connaissance de l’organisation diocésaine. Gertrude remettait toujours « ses devoirs » à la toute fin « au cas où elle découvrirait quelque chose à ajouter ». Et elle spécifie que malgré ou grâce à son perfectionnisme ce qu’elle a vécu, toute sa vie, a été plus beau et plus fort que les difficultés rencontrées.
Est-elle revenue à l’éducation spécialisée ? Oh oui ! En 1990, elle a reçu son diplôme (DEC technique d’éducation spécialisée) qu’elle a doublé d’études en théologie qu’offrait l’université Saint-Paul d’Ottawa en déléguant des professeurs à Mont-Laurier. Elle a des cartables pleins de reconnaissances professionnelles que je vous avoue avoir apportés chez moi pour faire correctement ma recherche.
Gertrude Lafond-Nielly est une femme inestimable. Jeune, elle vivait au Pimbina, loin du village, à 4 milles de tout. Quand sa mère lui donnait son bain ou lui faisait un brin de toilette elle chantait du Tino Rossi, du Maurice Chevalier. « Cerisiers roses et pommiers blancs » et autres balades tout en instruisant ses enfants correctement. « Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu mais ne vous appropriez jamais le bien qu’un autre a fait ». « Ne vous accrochez pas au passé, il vous façonne pour l’instant présent ». Le père, Donat, avait aussi ses convictions dont celle de s’impliquer dans la communauté, d’être actif. Cela a donné une fille très bonne marcheuse qui a parcouru à peu près tous les sentiers de randonnée pédestre de la région ainsi que les chemins forestiers. Elle a fait le Nordet d’un bout à l’autre (30km à l’aller seulement) et l’Inter-Centre, de la Montagne Noire jusqu’à la base de plein air de l’UQÀM - lac Supérieur (même distance). Elle adore marcher, collectionner les roches, repérer les fleurs indigènes et identifier les oiseaux. Pour se ressourcer elle va dans sa cathédrale, la forêt, d’où sa dignité et sa réserve. Je la remercie pour cette entrevue et pour vous faire sourire, sachez que toutes ses moyennes pondérées cumulatives dans les matières étudiées ont été de 8,6 et plus !
Source : Journal Altitude, Nicole Lajeunesse