Depuis l’arrivée des premiers colons vers 1869 jusqu’en 1881, aucune école n’existe dans la paroisse de Saint-Donat. Seule la chapelle au pont Coutu dispense " l’éducation religieuse ". Dans son Histoire de la province ecclésiastique d’Ottawa (1897) le révérend Barbezieux mentionne qu’il y a depuis septembre 1882 une école à Saint-Donat, un an avant la création même de la municipalité (ou commission) scolaire de Saint-Donat. Je précise que nous ne savons rien de plus sur cette école, a-t-elle vraiment existé ! Le premier président de cette municipalité sera le curé de la paroisse, A.G. Bérard qui la dirigera de 1883 à 1884. La chapelle étant déjà menacée d’être déménagée vers l’emplacement actuel sous la pression des colons qui la trouvent trop éloignée d’eux, les commissaires décident de construire leur première école non pas au pont Coutu, mais vers le rang double, là où les cultivateurs sont plus nombreux. Cette école en pièce sur pièce, probablement sur deux étages, est bâtie par Delphis Beauchamp sur le lot 20 du second rang Lussier aux environs du coin de la montée. Malheureusement, personne ne connaît aujourd’hui son emplacement précis.
Ces constructions de maisons d’école doivent respecter un devis préparé en ce temps-là généralement par le secrétaire-trésorier et parfois avec l’aide de commissaires d’école pour ensuite être approuvé par le Département de l’instruction publique du Québec. Les coûts inhérents à ces constructions sont absorbés par les citoyens de l’arrondissement ou répartis entre tous les contribuables. C’est cette dernière façon de faire qui est retenue pour Saint-Donat.
Mais qu’est-ce qu’un arrondissement ? En vertu de la loi, lorsqu’une municipalité scolaire est créée, elle doit diviser son territoire en arrondissement pour lever des taxes et choisir le lieu des écoles. L’emploi du terme maison d’école est utilisé parce qu’au début, la pauvreté des habitants ne permet pas de construire des écoles et l’enseignement se fait donc dans les maisons privées.
Les écoles de rang. L’étalement de la population sur un territoire crée un problème lorsqu’aux quatre coins de la paroisse on réclame une école, les habitants étant trop éloignés du centre du village où les services sont concentrés. Aussi, en mai 1884 les commissaires, sauf Joseph Sylvain qui est contre, accordent la construction d’une école aux contribuables du canton Archambault. Ce canton est formé en partie par Saint-Donat (vers le lac de la Montagne Noire) et en partie par Saint-Agricole (Val-des-Lacs), rattachée au niveau scolaire à la corporation de Saint-Donat (Journal Altitude sept. 1990, pp.6). Elle fait alors partie de l’arrondissement no.2, l’arrondissement no.1 étant tout le reste du territoire Donatien. En 1887, une requête pour un nouvel arrondissement est adressée aux commissaires pour le Pembina et signée par Alphonse et Honoré Aubin, fils de Pierre et de Célina Saint-Pierre. À cette époque, les écoles ouvrent et ferment selon le nombre d’enfants qui les fréquentent et les moyens d’y subvenir. Aussi, le 27 juillet 1886 on ferme l’école de l’arrondissement no. 2 pour la rouvrir le 15 octobre 1887 et la fermer de nouveau en 1889. En juillet 1895, les commissaires adoptent une résolution concernant la vente de cette école maintenant située sur le lot 3 du second rang Archambault. Elle sera effectivement vendue, mais en 1898 seulement.
Situations financières difficiles. À la fin du XIXe siècle, les colons ne disposent pas de moyens financiers importants. Mais le gouvernement du Québec offre un programme d’aide aux municipalités scolaires pauvres. Entre 1884 et 1890, les écoles de Saint-Donat recevront des sommes d’argent variant entre 15$ et 30$ par année. Dans une lettre qu’il adresse aux commissaires d’école, le surintendant de l’instruction publique reconnaît leurs efforts et les sacrifices qu’ils font pour donner la meilleure éducation possible aux enfants. En plus des écoles de rang, il y aura bien sûr, une école au centre du village. Au printemps 1894, un contrat de donation est passé entre Léandre Coutu et la municipalité scolaire pour un terrain où l’on construit la nouvelle école no.1 sur le lot 29 du troisième rang Lussier, aujourd’hui là ou se trouve le dépanneur Proprio de Pierre Forget. Delphis Beauchamp et le curé Garon préparent le devis de cette école. On accorde la construction à Alfred Brisson pour un montant de 164.00$.
Avis de recherche : Je cherche d’anciennes photos de l’école du rang double. Vous pouvez me rejoindre au 424-3720.
Photo-vignette : École no. 1 au village, vers 1906-1907. Regardez tous ces petits bouts de femmes et hommes avec leur institutrice, Mlle Justine Granger à l’arrière. Cette école devient vers le milieu des années 1910 la boutique de forge d’ Osias Godon. Justine Granger fut la première épouse de Fernando Coutu, fils de Césaire et de Julie Lambert. Ils se marièrent à Chertsey le 27 septembre 1907. En seconde noce à Notre-Dame-de-la-Merci Fernando épousera la nièce du curé Eugène Mondor bien connu, Anna le 20 octobre 1926.
L’engagement des institutrices. Davantage dans les écoles de rang l’engagement d’institutrices n’est pas chose facile. Pas de confort, des salaires pitoyables, des jeunes filles qui doivent le plus souvent s’arranger toutes seules dans cette école éloignée de tout et sans oublier la surveillance des bonnes moeurs chez elles. Pour toutes ces raisons et d’autres, le recrutement des institutrices qualifiées est difficile et pour cela on engage à l’insu du surintendant de l’Instruction publique des jeunes institutrices non diplômé et marié. Bien sûr à l’occasion le surintendant tolère ses écarts aux règlements, mais il faut son approbation. Sous l’aspect des salaires, le surintendant réprimande même les commissaires d’école de Saint-Donat les accusant de ne pas payer assez leurs institutrices et en leur soulignant de rendre la vie de celles-ci plus agréable. Voici une anecdote, celle de Mlle Cordélia Meilleur de Sainte-Agathe-des-Monts en 1887-1888 alors qu’elle s’explique au Surintendant. Cordélia Meilleur aurait prêté son diplôme d’institutrice à sa soeur Odina pour qu’elle puisse enseigner à Saint-Donat. Elle rapporte que celle qui a enseigné à Sainte-Agathe ce n’est pas elle (Cordélia), mais Victoria sa soeur en ajoutant que Cordélia se faisait souvent appeler à la maison Odina. Y comprenez-vous quelque chose ? Le Surintendant non plus !
Les institutrices entre 1883 et 1902 : Zélia Sylvain (née Zélia Simard fille de Pierre - Petro - et de Angélique Matte, a épousé Damase Sylvain occupation "voyageur". Elle a 30 ans lorsqu’elle enseigne.) Emma Brault (Journal Altitude sept.1990, pp.6), Mathilde Houle (journal Altitude, déc. 1990, pp.6), Adèle O’Brien (de Repentigny), Cordélia Meilleur, Clothilde Meilleur (de Sainte-Lucie), Alphonsine Maguay, Olivine Brault-Lavoie, Exérina Latour dit Forget (épouse de Rémi Lavoie demeurant à Notre-Dame-de-la-Merci), Marie-Anne Lavoie (fille de George et de Marie-Claire Raymond, elle-même a aussi enseigné à Saint-Donat) et Domina Rivest. Il se peut qu’il y en ait eu d’autres. Les présidents de la municipalité scolaire : A.G. Bérard curé, 1883 ; J.O. Lachapelle curé 1884-1887 ; Wilfrid Simard 1887-1888 ; Delphis Beauchamp (devient le premier maire de Saint-Donat en 1904)1888-1894 ; Paul Garon curé 1894-1898 ; J.H. Major curé 1898-1901 ; Bruno Godon 1901 ;
Le curé Major est le dernier religieux à avoir occupé ce poste. C’est surtout des commerçants, des industriels, des bourgeois ou des notables du village que l’on retrouve à la tête de la commission scolaire. Ce n’est pas un hasard, il n’y a pas seulement le prestige de la fonction, mais pécuniairement c’est avantageux : la construction des écoles intéresse les propriétaires de moulin à scie, de magasin général, boutique de forge et des ouvriers. Pour illustrer cela, avant que Bruno Godon ouvre son magasin général vers 1895 (Journal Altitude, sept. 1992, pp.4) les commissaires achètent le matériel d’école chez Noé Forget à Sainte-Lucie ou à Saint-Jérôme. Bien qu’ils n’apparaissent pas à la présidence de la commission scolaire la famille Coutu est tout de même présente comme Césaire qui est commissaire de 1883 à 1885 et auditeur des comptes de 1888 à 1895, Moïse son frère, de 1895 à 1898 et Léandre également son frère, de 1895 à 1899.
Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Janvier 1994