Depuis la fondation de Saint-Donat, nos lacs et nos rivières ont fait la joie des amateurs de pêche (Altitude, Juin 1990). Aussi, des clubs de pêche se sont-ils créés dans la région. Celui de Napoléon Bertrand, au lac Bouillon, aujourd’hui le Château Montcalm, a accueilli durant plusieurs
années des centaines de visiteurs.
Originaire de St-Adolphe d’Howard, Napoléon Bertrand est le fils de Fortunat et de Rose de Lima Piché, de Sainte-Agathe-des-Monts. Suite au décès de son père, le jeune Napoléon demeure chez son oncle Gédéon Piché, à Sainte-Agathe. Lorsque sa mère se remarie à Pit Charbonneau, le 12 mars 1901,Napoléon, alors âgé de 5 ans vient vivre à Saint-Donat. Quelques années plus tard, il fait la rencontre de sa future épouse, Mlle Delphina Riopel, la fille de Maxime et de Célina St-Amour. Le 11 janvier 1925, leur mariage est célébré à Saint-Donat dans l’église récemment construite. Camps de bois rond. Peu de temps après son mariage, Napoléon monte au chantier près du lac Orignal et des environs du lac Bouillon avec son beau-père, alors propriétaire du moulin à scie, sur la rivière Bouillon.
Napoléon construit un premier camp de bois rond au lac Bouillon pour y loger sa famille qui comprendra, avec le temps, 10 enfants : Fortunat, Marie-Jeanne, Antoinette, Simone, Florence, Juliette, Marcel, Thérèse, Henri et Cécile. Puis, il commence la construction d’autres camps pour accueillir les pêcheurs. Les premières années du Camp sont difficiles mais l’arrivée de l’électricité en 1924 et du téléphone en 1926 améliore grandement la vie quotidienne des Bertrand, éloignée tant de l’école (2 milles et demi à pieds) que du service religieux.
Le Moose Lake Fish & Game Club près du Camp Bertrand, un autre club de pêche est fondé en 1926 par des hommes d’affaires de Montréal. Le vice-président est Lewis Rubin et le secrétaire est Phil Cohen. Aux dires de certains témoignages, ce club est peu fréquenté. Ainsi, en 1932, Napoléon Bertrand achète une partie de son territoire pour non paiement de taxes municipales. En 1958, il rachètera également tout ce qui reste de ce club. Au début des années 1930, une dure épreuve afflige les Bertrand lorsque le feu ravage la maison familiale. C’est avec courage et audace que Napoléon reconstruit et poursuit ses activités Si le lac Bouillon leur appartient, le lac Orignal, le lac Long et le lac des Îles le sont sous bail du gouvernement.
Au fort de la croissance du Camp Bertrand, plus d’une dizaine de camps sont loués, sans oublier le bâtiment qui abrite une salle de danse qui ne manque pas d’être fréquentée après une agréable partie de pêche. La majorité des clients qui viennent à la pêche prennent leurs repas à la maison familiale des Bertrand. À la cuisine, on retrouve Delphina et sa fille Simone ainsi que d’autres employés qui s’ajoutent au gré de la fréquentation du Camp. Ce sont les produits de la ferme que l’on retrouve sur la table des invités. Les bons samedis, on peut compter plus de 25 automobiles au Camp. Sur les quatre lacs, 35 chaloupes sont à la disposition des pêcheurs. C’est la truite rouge qu’on y pêche.
L’achalandage grandissant, Napoléon obtient un permis d’alcool qui, bien entendu, n’est pas sans agacer le curé du village Une anecdote. Avant que n’apparaissent les réfrigérateurs et les congélateurs, la glacière, fabriquée sur place, jouait un rôle de première importance pour la conservation des aliments. M. Marcel Bertrand me raconte qu’il en avait une qui mesurait environ 10 pieds carrés. Au mois de mars, les hommes entassaient de la neige « mouillée » qu’ils prenaient soin de bien fouler avec les pieds pour lui faire atteindre une épaisseur de 6 à 7 pieds. Ensuite, ils recouvraient le tout de bran de scie pour conserver la neige qui tournait en glace. Que ce soit pour des morceaux de boeuf, de porc ou de la truite, on creusait un trou assez profond dans cette neige-glace dans lequel on déposait la nourriture qu’on prenait soin de bien recouvrir, les aliments pouvaient ainsi facilement être conservés un mois ou plus.
Après le décès de Napoléon Bertrand en 1959, son épouse reprend les affaires avec son garçon Fortunat. Les beaux jours du Camp Bertrand se terminent en 1964 par la vente à Georges A. Fusey inc. Après la vente du Camp, Delphina se fait construire une maison sur l’avenue du Lac (auj. M. Pierre St-Denis) où elle y finit ses jours.
Note : Je remercie M. Marcel Bertrand pour avoir bien voulu partager avec moi ses souvenirs, et également Mme Juliette Bertrand-Pagé.
Auteur : Claude Lambert Anthropologue-historien