Une manufacture a Saint-Donat

Histoire > Articles divers > Articles de Suzanne McEwen Brouillet > Une manufacture a Saint-Donat

Par Suzanne McEwen Brouillet

UNE MANUFACTURE À SAINT-DONAT

Durant la deuxième guerre mondiale 1939-1945, le Canada est très impliqué, nous produisons des bombes pour les pays européens en guerre contre les allemands.

Au Québec c’est à St-Paul l’Ermite et à Ste-Thérèse que l’on fabrique les obus de 25mm qui doivent être envoyés en Europe par bateau. Tous sont impliqués, c’est la conscription, les pratiques de bombardement, le rationnement, les coupons pour se procurer certaines nourritures, etc.

Les obus en acier de 25mm sont remplis de cordite, dans les usines de Ste-Thérèse et St-Paul l’Ermite. Les charges de détonations sont fabriquées à Montréal dans des usines de couture puis livrées à Ste-Thérèse et St-Paul l’Ermite.

Trois usines de couture fabriquent les poches qui contiennent la poudre explosive

C’est l’effort de guerre de tous, plus de mille femmes produisent ces fameuses poches. Mon papa, Landolph McEwen, devient le responsable de ces opérations : produire des millions de poches qui prennent la route des arsenaux canadiens de St-Paul l’Ermite et du plan Bouchard à Ste-Thérèse. C’est là qu’on procède au remplissage de poudre explosive des obus de différents calibres. C’est son effort de guerre.

La guerre est terminée en 1945 au grand soulagement de tous.

Nous sommes en 1968, les États-Unis sont en guerre avec le Vietnam. Toutes les munitions viennent des États-Unis.

Les enjeux sont grands, Il y a des embargos, on parle de la bombe atomique, la pression est forte.

Mon père est toujours en contacts avec D.I.L. (Defense Industries Limited) et C.I.L. (Canadian Industries Limited) et c’est ainsi qu’on fait appel de nouveau à ses services afin de produire les poches pour les américains qui sont en guerre avec le Vietnam.

Son enthousiasme est sans borne, mais s’en était trop, il décède le 18 octobre 1968. Pierre Brouillet , son gendre, se retrouve avec la possibilité de produire un contrat assez important. Après mûres réflexions avec Suzanne McEwen, son épouse, il décide de se lancer dans la production de ces fameuses poches.

Et c’est ainsi qu’il a eu l’idée de produire ce contrat à Saint-Donat, son pays d’adoption.

Avec la collaboration du maire Yvon Forget, ce ne fut pas long que les deux trouvent toutes les solutions pour produire à Saint-Donat. Réunions avec les dirigeants de l’époque, on trouve un local idéal….le sous-sol de l’église. Il faut maintenant trouver des ouvrières, encore une consultation et c’est l’euphorie. Du travail dans le village.

L’installation progresse rapidement. Henri Giroux, notre ami prend la responsabilité de l’installation des machines, salle de repos, vestiaire, électricité, le tout est prêt en peu de temps.

On embauche Rose Hélène St-Amour comme contremaîtresse, assistée de Madame Levert, pour l’équipe de jour et Madeleine Forget Regimbald assistée d’Annie Robidoux pour l’équipe de soir. Oui, deux équipes, car il fallait produire une première livraison de 3000 charges pour le 14 février 1969, sans quoi on retournait produire ce contrat à Montréal.

Le 14 février 1969 toute l’équipe s’applaudissait, on faisait notre première livraison.

LES OUVRIÈRES

On fait appel à tous, la réponse est positive, le mot se passe et les femmes sortent de leur cuisine et viennent travailler au sous-sol de l’église. Pour la plupart c’est leur première expérience. Les ouvrières viennent surtout de Saint-Donat, mais d’aussi loin que Val David. On aime cette nouvelle expérience.

Grâce à mes quatre HÉROINES nos contremaîtresses et leurs assistantes, nous n’aurions pu faire un succès de cette entreprise.

Rose Hélène Nadon St-Amour mère de neuf enfants s’est engagée à relever le défi.

L’équipe du soir était sous la douce et efficace direction de Madeleine Forget Regimbald assistée d’Annie Robidoux. Sans oublier la collaboration de Madame Levert.

Les femmes de Saint-Donat ont accroché leur tablier pour vivre une nouvelle expérience.

Johanne Forget, Jacqueline Charbonneau sur les tagueuses et sur les 95K, la valse des machines résonnait au sous-sol de l’église. Je vais essayer de ne pas oublier personne….

Johanne Forget, Jacqueline Charbonneau et Suzanne Lagacé étaient les opératrices sur les tagueuses. Cette opération servait à fixer de longues courroies sur le sac numéro 5 afin que toute la charge se tienne ensemble.

Puis il y avait une cinquantaine de machines à coudre Singer K95 qui servait à assembler les sacs 1-2-3-4-5 qui constituaient une charge complète afin de propulser un obus.

En peu de temps, les ouvrières avaient appris comment enfiler leur machine à coudre et c’était parti…Il y avait même des compétitions de performance.

J’y vais de façon aléatoire : c’est avec la collaboration de Marie Juteau qu’on a pu en nommer quelques-unes.

Lise Labelle, Ghislaine Lavoie, Marie Juteau, Blandine Juteau, Réjane et Jeanne Des Ormeaux, Madeleine Payette, Dalma Lavoie, Simone Lambert, Georgette Nadon, Gennie Juteau, Lise Sigouin, sa mère Rita Sigouin, Charlotte Regimbald, Danielle Lafleur, les sœurs Ritchie : Louise, Lise, Suzelle, Madame Liguorie Ritchie, Georgette Nadon, Rose Charbonneau la femme de Cléophas, les dames Lavoie, les jumelles Lacoste Danielle et Isabelle, Danielle Lafleur, Grand-mère Saint-Pierre une autre perle… et j’en passe.

C’est avec la collaboration et le dévouement de Roch Lambert que le tout était bien entretenu, parce que ca faisait de la poussière.

Merci à toutes ces dames de Saint-Donat qui nous on fait vivre une nouvelle expérience qui se sera terminée en 1973.

Suzanne McEwen Brouillet