Un beau moment
Quand j’étais petite, il suffisait que j’entre dans un endroit peu familier que ce soit pour un anniversaire ou une célébration pour que je sente que quelque chose de spécial allait peut-être arriver ou que quelque chose de spécial allait apparaître. Un mélange d’anticipation romanesque et d’anxiété, je suppose, mais même si des décennies passent et que l’on soit plus âgée, on reste toujours la même personne. Alors j’aborderai cet article sur la rencontre du 18 mars du Club de Plein Air de Saint-Donat d’une façon originale, à la façon d’un peintre impressionniste c’est-à-dire par des sensations colorées, souvent fragiles.
Je commencerai par les randonneurs que je connais. Je sais que peu importe la météo, les randonneurs répondent présents. Aucune excuse, ou presque, n’est valable quand il s’agit d’aller marcher. Des groupes se forment, selon la longueur des foulées sans doute, mais aussi des centres d’intérêts. Il y en a pour qui juste le plaisir d’être ensemble et de discuter, même de façon syncopée, suffit mais jamais ils n’oublient de scruter le paysage. Tout le monde s’attend et se respecte. C’est que les amateurs de sous-bois, de chemins creux et de hautes montagnes sont aussi des bénévoles qui ont eux-mêmes contribué à mettre en valeur les sentiers, ces voies inconnues ou oubliées, certaines depuis plus de cinquante ans. Sans vouloir privilégier une ou un ami plus que nécessaire je veux que Julien Boudreau sache qu’il est une référence, une autorité pour ma famille. Comme je veux que chacun des hommes que j’ai vus partir avec tronçonneuse, sécateur, marteau, clous et lunch plus ou moins écrasé dans le sac à dos sache que je leur suis infiniment reconnaissante. Ils n’étaient pas tous présents en ce 18 mars mais, croyez-moi, je me souviens de chaque ouvrier et de chaque épopée. Des ponceaux à installer, des pancartes à poser, des refuges à construire et du bois à monter pour que les visiteurs soient vite au chaud. Beaucoup de travail. Sans compter la soupe chaude servie à l’occasion. Comme on dit en Bretagne : « Un bon marin monte toujours à bord au moins deux heures avant le départ ».
Dans la salle, j’ai vu de si belles personnes, ardentes, énergiques, renseignées. Je n’ai parlé que des randonneurs mais je reconnaissais aussi des adeptes de raquettes, ski de fond traditionnel et nordique, télémark, course à pied, vélo de route et de montagne (mon chemin Régimbald est très fréquenté). Ces femmes et ces hommes, de l’extérieur, semblent avoir un esprit paradoxal, rude et rigoureux d’un côté et d’une finesse extraordinaire de l’autre. J’ai suivi avec beaucoup d’attention leurs interventions lors du varia et salué leurs opinions et leurs prises de position. Je leur dis merci de protéger mon chez-moi. Et quitte à faire rire de moi je dirai que si l’on connaît les vertus de l’activité physique sur le cerveau et l’intelligence, je crois qu’on peut extrapoler et pousser l’hypothèse suivante : en améliorant leur habilité et leur bonheur, les sportifs sont en quelque sorte des catalyseurs qui nous permettent d’amorcer des activités positives. Je suis une femme de papier, de plume, de crayon et de pinceau. Je n’ai jamais été une sportive mais je surveille les deux stationnements, celui de la montagne Noire et celui du lac Coutu quasi chaque jour. Quand je vois les gens partir le matin en ajustant leurs mille et une courroies ou quand ils retournent à leur véhicule la noirceur venue, mon Dieu que je me sens fière, davantage en forme et prête à commencer… une toile particulièrement complexe ! Puis-je ajouter que nous venons de perdre notre beau gros Bayou, un labernois de 16 ans. Ce type de chien a habituellement une durée de vie de 8, 9 ans. Le vétérinaire n’en revenait pas et nous a assuré que c’était dû à ses activités en montagne, un nombre incalculable de fois, lorsqu’il accompagnait, guidait et protégeait (dans son esprit à lui) randonneuses et randonneurs, hiver comme été, dans nos sentiers toujours si accueillants pour la gent canine. Si vous l’avez connu, j’aimerais que vous vous souveniez de lui.
Les loisirs nature sont de la responsabilité du Club de Plein Air et de la Municipalité de Saint-Donat. Le beau, l’émerveillement, sont les premiers pas vers le respect. Chaque randonnée plaisir est, oserai-je dire, un acte politique puisqu’il concerne le bien de la communauté. Il faut donc qu’il soit rassembleur et à la hauteur des enjeux de notre communauté pour les années qui viennent, ce dont je ne doute pas. Bon vent au Club de Plein Air et merci encore à madame France Chagnon pour son invitation toute personnelle. C’est une femme de principes, très compétente, bien épaulée, à la fois forte et tout en dentelle.
Source : Journal Altitude, Nicole Lajeunesse