Premier de deux articles. Déjà neuf ans se sont écoulés depuis que le conseil de la Fabrique de Saint-Donat a pris la décision au printemps 1985 de démolir le dernier joyau de notre patrimoine religieux. Dans les faits, cela fait neuf ans que l’ancien presbytère a été démoli, mais c’est à l’automne 1984 que l’on commençait la construction du presbytère actuel.
Il est vrai que dans les villes les groupes de pression pour la sauvegarde du patrimoine architectural sont mieux organisés et davantage conscients de ce qu’ils peuvent tirer comme valeur historique, mais également de l’apport touristique que génère la préservation de tels joyaux. Dans les villages cette volonté, j’ajouterais même cette reconnaissance du patrimoine bâti comme élément culturel est pour ainsi dire inexistante. Comme on peut le constater dans certaines localités, on tend de plus en plus à faire de la rénovation à caractère "historique" au lieu de la restauration proprement dite. Ce qui fausse en quelque sorte l’identité d’origine d’une municipalité, c’est-à-dire sa différence avec ses voisines.
Dernièrement je lisais dans la revue Continuité (Printemps 1994), que la municipalité de Saint-Henri de Lévis étudiait présentement la possibilité d’installer ses bureaux dans le spacieux presbytère de l’endroit. Il envisage de louer le bâtiment, par bail emphytéotique (99 ans), et la municipalité s’engage en retour à réserver les espaces nécessaires au personnel clérical qui demeurera en poste. Voilà concrètement comment avec de la bonne volonté le passé s’associe au présent au bénéfice d’une collectivité qui sait d’où elle vient et où elle va. Souvenons-nous qu’à l’époque il était possible pour des coûts égaux sinon moindres de restaurer l’ancien presbytère de Saint-Donat. Ce fut plutôt par choix que l’on préféra anéantir le savoir-faire des anciens.
La construction du vieux presbytère (1913-1985). Situons auparavant le contexte économique qui prévaut à cette époque au tournant des années 1900. Au cours de la première décennie, le village connaît une croissance économique appréciable. Déjà pas moins de cinq scieries sont en exploitation dans la localité et l’industrie de la pulpe bat son plein. Saint-Donat étant entouré d’un riche jardin forestier qui a su échapper aux gros incendies de forêt qu’on subit les villages voisins à cette époque, a pu profiter de cette situation et attirer de nombreux travailleurs.
Les années 1910 correspondent également à l’arrivée des premiers touristes américains et canadiens-anglais qui se construisent des chalets d’été aux abords des lacs Archambault et Ouareau et occupent également les îles de ces lacs. Sans doute favorisées par cette relative prospérité économique, les autorités religieuses ont-elles vu l’occasion d’aller de l’avant dans la construction de nouveaux édifices religieux. Déjà en 1893 des travaux avaient dû être faits à l’ancien presbytère bien que sa charpente ne pouvait plus supporter le poids d’années. Lorsque Mgr. Duhamel, archevêque du Diocèse d’Ottawa, fait sa visite en juin 1908 il est à même de constater la décrépitude des bâtiments religieux et fait l’annonce qu’il permet " qu’on se prépare à bâtir une nouvelle église...". Quatre ans plus tard le curé Félix Legendre (1900-1915) reçoit de l’Archevêque d’Ottawa une promesse de prêt faite par Mgr. Gauthier. Bien qu’il y ait entente sur le financement des travaux, quelque temps s’écoule et puis rien ne va plus, les coûts sont plus élevés que prévus. En avril 1912 le conseil de la Fabrique de Saint-Donat se réunit et convient plutôt d’y aller avec un emprunt de 10,000.00$ et cette fois pour construire une église, une sacristie et un presbytère. La Corporation Épiscopale d’Ottawa accepte de prêter cette somme à la paroisse qui devra la rembourser sur15 ans, avec des paiements de 300.00$ par année aux taux d’intérêt de 5%. À la fin du mois, le curé Legendre reçoit l’argent et la dépose à la Banque des marchands à Sainte-Agathe-des-Monts.
Dès lors les travaux pourront commencer. Le mois prochain je vous parlerai de sa construction.
Photo-vignette : Sans émoi, sans reproche, à peine quelques personnes assistaient à la démolition de 72 ans d’histoire religieuse et sociale. Au cours de son règne, ce presbytère avait accueilli 10 curés.( Photo Georges Monette)
Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Juillet 1994